Le 18ème Jour - La tragédie de Léopold III Roi des Belges
de Gilbert Renault

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 23 octobre 2016
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Le Roi outragé
« L’Histoire dira que l'armée belge a fait tout son devoir. Notre honneur est sauf. »

C'est ainsi que Léopold III roi des Belges clôturait son ordre du jour du 28 mai 1940, où il annonçait, à quatre heures du matin, à son armée, la reddition devant l'ennemi.
Cette communication marquait les débuts de l'invasion de nos pays, lors de la seconde guerre mondiale, et mettait un terme à une résistance héroïque de l'armée belge, qui prendrait dans l'Histoire le nom de « Campagne des 18 Jours ».

Oui, « notre honneur est sauf » déclarait le Roi. Mais immédiatement, il s'est trouvé quelqu'un pour contester cette affirmation : le même jour à 8h30, M. Paul Reynaud, chef du gouvernement français prenait la parole à la radio et, au terme d'un discours que l'auteur qualifie de « sottises grandiloquentes entremêlées de mensonges délibérés », affirmait : « l'armée belge a trahi ! son chef, Léopold III, est un félon ! ».
Ce Paul Reynaud, qui sept jours plus tôt pleurait dans le giron de Churchill en lui confiant que « la Bataille de France était perdue », avait trouvé son bouc émissaire...

C'est cette ignoble calomnie, dénoncée depuis par tous les généraux alliés, que l'auteur, Rémy, s'efforce au cours de 425 pages passionnantes, de démentir.

Je n'ai pas retrouvé qui était Rémy, l'auteur de ce livre. Mais, dans son introduction, il dit qu'il est Français ; il dit qu'il est officier et qu'il était présent aux Quartiers généraux des officiers, lors des réunions dont il donne le compte-rendu.
Il semble donc qu'il ait été, pendant la guerre, un officier de liaison entre les armées alliées.

Son livre est passionnant. Il nous raconte par le menu tous les rapports, les communications téléphoniques, les déclarations et les messages entre les officiers du front et ceux des Quartiers généraux. Mais le plus passionnant sont les interventions des politiciens qui considèrent, après Clemenceau, que la guerre est chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires...

Ce livre intéressera particulièrement les Belges parce que les politiciens dont il est surtout question, sont des ministres belges de l'époque, qui sont restés célèbres dans l'Histoire : M. Pierlot alors Premier ministre, et surtout M. Paul-Henri Spaak, ministre des Affaires étrangères à l'époque.
Ce sont ces ministres qui, réfugiés en France contre l'avis du Roi, avaient inspiré la fameuse déclaration du chef du gouvernent français M. Paul Reynaud.

A l'époque, l'opinion belge, dans son immense majorité, considérait Léopold III comme le digne fils de son père, le Roi Albert Ier, héros de la guerre 14-18, connu dans le monde sous le nom de Roi-Chevalier. Et les ministres, qui avaient honteusement abandonné le Roi, étaient considérés comme des traîtres.

Dès lors, il s'en est suivi un concert de déclarations de M. Spaak, à la presse et à la radio françaises, où il calomniait le Roi ; il l'accusait de traîtrise parce qu'il était resté prisonnier au pays ; alors que le Roi, en digne chef de l'armée, n'avait fait que son devoir, il avait refusé de déserter.

M. Spaak était un orateur hors pair et ses déclarations, que l'auteur qualifie de « sombres et fielleuses » avaient retourné l'opinion française, qui n'en demandait pas tant, contre les Belges, leur armée et leur Roi.
Il faut croire que ces plaies étaient encore ouvertes trente ans plus tard, puisque le livre de Rémy paru en 1976, a connu en Belgique un succès foudroyant.

Dans son introduction, l'auteur s'explique : « de quel droit vais-je me mêler d'une affaire spécifiquement belge, moi qui suis Français ? Ma réponse est simple : aucune frontière n'empêche de prendre la défense d'un homme dont l'honneur a été bafoué injustement. Ensuite, ces calomnies sont parties de France à l'intention des Français et elles ont été proférées par un chef de Gouvernement français » – mal inspiré, il est vrai, par des ministres belges (remarque du critiqueur).

Mais ce livre intéressera aussi tout le monde parce que, outre le plaidoyer pour le Roi des Belges, il raconte la Campagne de France à partir des communiqués échangés entre les Quartiers généraux anglais, français et belges et les officiers du front.
On y voit, entre autres, le miraculeux sauvetage des troupes anglaises à partir de Dunkerque et puis, toute la tragédie de cette entrée en guerre, avec l'écrasement de nos armées et des populations civiles sous les bombardements de la Luftwaffe, comme si on était sur le terrain.

Terminons cette trop longue critique en disant que le livre est écrit avec une rigueur, une clarté et une précision toute militaire, ce qui en fait un régal de lecture.