Banlieue sud-est
de René Fallet

critiqué par Fanou03, le 21 octobre 2016
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans...
Banlieue sud-est est le tout premier roman de René Fallet. Écrit à dix-neuf ans, il transpire la fougue et la force de cette jeunesse ; s’inspirant, on peut donc l’imaginer, de ses aspirations et de sa propre vie, il décrit le quotidien d’une bande de copains juste avant la Libération, en 1944, à Villeneuve-Saint-Georges, dans la banlieue sud-est de Paris. Le personnage principal du roman, Bernard Lubin, qui n’a pas dix-huit ans, cherche donc, en compagnie de ses amis, à profiter du bon côté de la vie : les filles, les bistrots, le cinéma, les bals, sans oublier les bons plans et les petites magouilles nécessaires pour se faire un peu d’argent de poche.

Cette jeunesse nonchalante qui refuse de trop s’en faire malgré la tension du quotidien (les bombardements par exemple qui mutilent et endeuillent Villeneuve-Saint-Georges), agace la génération précédente : les adultes pestent régulièrement contre le je-m’en-foutisme des jeunes gens. La critique se fait aussi dans l’autre sens. Bernard Lubin, dans une diatribe amère, explique par exemple que l’état de la France et la Défaite n’est pas son problème mais bien de la responsabilité de ceux qui étaient là avant.

Il est assez extraordinaire de se dire qu’on a entre les mains le roman d’un jeune homme de dix-neuf ans : le style possède effet une personnalité déjà très marquée, tandis que la maîtrise du récit, même s’il papillonne un peu de temps en temps, est assez remarquable. De la gouaille, un certain lyrisme, de la poésie, font de Banlieue sud-est un texte vif, nerveux, où point la révolte de la jeunesse. La culture de la « bande de jeunes » dont fait partie Bernard Lubin, ses codes, ses rituels, ses habitudes, est mise au centre de l’histoire avec beaucoup de justesse, ainsi que « l’éducation sentimentale » des uns et des autres. Le ton sait se faire à la fois cynique et plein d’humour

Le rapport à la guerre, à la violence, ainsi que le questionnement sur la lâcheté, ressurgit d’une façon particulièrement âpre à la fin du roman, suggérant la période des purges à venir à la Libération et teintant Banlieue sud-est d’une gravité qui m’a fait froid dans le dos.

Je précise que le roman est aussi disponible dans le recueil des "Romans acides" au Cherche midi (2013).