Les ombres de Kittur
de Aravind Adiga

critiqué par SpaceCadet, le 18 octobre 2016
(Ici ou Là - - ans)


La note:  étoiles
Suivez le guide!
Tel qu'annonce le titre original(1), les histoires proposées dans ce recueil de nouvelles se déroulent au cours d'une période se situant entre deux assassinats: celui d'Indira Gandhi en octobre 1984 et celui de Rajiv Gandhi en mai 1991. Mais au-delà de cette mise en contexte, il n'est aucunement question d'assassinat dans ces récits.

Habilement conçu, le recueil se présente comme un pseudo dépliant/guide touristique proposant un itinéraire de visite s'étalant sur sept jours. Nous sommes au sud-ouest de l'Inde, plus précisément dans l'état du Karnataka et découvrons d'abord un plan de Kittur, ville fictive où se déroule l'action. Par la suite, un court texte énonce quelques généralités au sujet de l'emplacement de cette ville et le tout est suivi par un premier récit se déroulant là où la visite guidée commence (jour 1), soit aux environs de la gare par laquelle le visiteur est normalement entré dans cette ville. Cette séquence, 'étape de la visite- texte décrivant un site, un détail historique ou d'autres caractéristiques - récit fictif', est maintenue jusqu'à la fin du recueil qui se termine donc au septième jour de la visite. Enfin, une chronologie des événements importants ayant marqué Kittur et l'Inde au cours des années 1984-1991 est proposée à la fin du livre.

En tout, quatorze récits et quelques encarts nous introduisent aux divers sites d'intérêt, à l'histoire ainsi qu'à la vie et aux personnalités fréquentant Kittur.

Porteur, livreur, domestique, activiste ou migrant, ils sont 193,432 âmes, homme, femme, jeune ou moins jeune, musulman, hindou ou chrétien, de basse caste ou brahmane; ils sont éduqué, illettré, moyennement aisé, pauvre ou très pauvre; et en dépit des changements sociaux et économiques, des vagues politiques, des lois votées ou des promesses proférées par les dirigeants, tous demeurent inlassablement en quête de subsistance, de survivance ou d'existence; tous se bousculent et tentent de se tailler au jour le jour une place au sein de cette gigantesque machine sociale et économique qu'est l'Inde.

Le contexte politique, présent sans être appuyé, amalgamé à une foule d'autres éléments, participe au quotidien de ces personnages, mais s'ils soulèvent des pierres, -corruption, castes et classes sociales, religions, manigances politiques et dilemmes moraux sont évoqués-, ces récits se classent plutôt dans la catégorie du portrait.

Doté d'un coup de plume vif et assuré, Aravind Adiga décrit, raconte, illustre et met en relief les sujets évoqués de manière fort éloquente. Nourries d'observations fines, les descriptions sont à la fois visuelles et colorées, les images sont évocatrices; les personnages et les lieux sont si crédibles qu'on ne doute pas de leur existence. Il en résulte un panorama vivant et réaliste.

Figurant parmi les premiers textes de fiction écrits (et publiés) par cet auteur(2), les récits composant ce recueil séduisent par leur parfum d'authenticité autant que par l'originalité avec laquelle ils sont présentés.

Notes:

1. Titre original: 'Between Assassinations'
2. Bien que ce recueil ait été publié en 2008 et un peu après son premier roman 'Le tigre blanc', les nouvelles qu'il contient auraient été composées avant le roman.
3. Lu en version originale de langue anglaise.
Entre les assassinats 6 étoiles

Publié à la hâte peu après "Le Tigre blanc", lauréat du prix Booker en 2008, ce recueil de nouvelles d'Aravind Adiga a quelques relents d'opportunisme commercial de la part des éditeurs. Je me suis dit que j'allais quand même lui donner sa chance, mais je suis forcé d'admettre que mes premières impressions se sont confirmées pendant la lecture: il s'agit bel et bien d'une oeuvre assez mineure, sortie des tiroirs de l'écrivain pour battre le fer pendant qu'il était chaud. La structure est tout de même intéressante; Kittur, ville fictive de l'Inde du Sud, nous est présentée comme dans une brochure de voyage. Chaque attraction fait l'objet d'une brève description idyllique destinée à séduire les touristes, puis on bascule dans l'envers du décor en suivant les déboires d'une série de personnages misérables victimes de la corruption, de la pauvreté et des règles sociales impitoyables d'une Inde que l'auteur présente comme gangrenée. Certaines nouvelles sont accrocheuses. mais la plupart tombent à plat. Adiga a beaucoup de difficulté à terminer un texte de façon percutante. La plupart des histoires laissent le lecteur sur sa faim et on ferme le livre en regrettant que l'ensemble ne soit pas un peu mieux ficelé et un peu plus abouti.

ARL - Montréal - 38 ans - 12 avril 2019