Le retour du hooligan. Une vie.
de Norman Manea

critiqué par Septularisen, le 17 octobre 2016
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
ENTRE REALITÉ ET FICTION...
« Le retour du hooligan. Une vie », est le journal romanesque de l’écrivain roumain vivant en exil aux Etats-Unis, Norman MANEA (*1936). Dans ce livre autobiographique donc, l’écrivain nous raconte le court séjour (douze jours) qu’il a effectué dans son pays natal en 1997, bien après le retour de la démocratie dans celui-ci.

Le livre a toutefois une construction beaucoup plus complexe que cela. Il est en effet construit en quatre parties bien distinctes, chacune divisée en des sortes de petits chapitres avec un titre.
Dans les deux premières (intitulées « Préliminaires » et « Premier retour. Le passé comme fiction »), Norman MANEA revient sur sa vie d’avant son départ en exil. Il parle ici de la déportation de sa famille d’origine juive en 1941, alors que la Roumanie est sous le joug fasciste du dictateur Antonescu, qui est l'allié de l’Allemagne nazie. Ensuite, suivent sa vie de bohème de jeune homme, ses études d’ingénieur, ses premiers amours, sa vie de plus en plus impossible sous la dictature communiste cette fois.

La troisième partie « Le divan viennois », est une sorte de longue réflexion philosophique sur la survivance de la langue maternelle, les écrivains roumains exilés, l’antisémitisme, la Roumanie, l’exil, le retour dans sa patrie etc…

La dernière partie intitulée « Le second retour. La postérité », est celle qui m’a le plus intéressé. Ici Norman MANEA décrit son retour au pays journée par journée, avec son regard critique, mais non dénué d’humour. Tout a sois-disant changé avec la chute du communisme! Oui, il n'y a plus les espions de la Securitate de l'ère communiste partout, mais finalement bien sûr, rien n’a véritablement changé! Et tout cela ne tarde pas à tomber sous le regard et les commentaires, parfois très acerbes, de l’écrivain.
L’auteur est aussi souvent pris d’accès de nostalgie, comme p. ex. quand il se retrouve au croisement où, quand il était jeune homme, il a croisé pour la première fois celle qui allait devenir son épouse. Ou encore, quand il voit pour la première fois la tombe de sa mère, qui est décédée alors qu’il était en exil...

Si l’architecture du livre est très complexe, retour en arrière, répétitions, souvenirs, redites, l’écriture et le style sont eux d’une facilité déconcertante et les pages se tournent sans que l’on s’en rende compte. J’ai surtout été touché par la galerie des personnages qui nous sont présentés par l’écrivain roumain, tous plus savoureux les uns que les autres, tous plus authentiques les uns que les autres. Des véritables portraits, très détaillés, tant psychologiquement que physiquement, et qui nous décrivent leur façon de vivre, leurs habitudes, leurs tics, leurs peurs, leurs péchés mignons, leur lâcheté, leur courage etc…On sera p. ex. surpris de découvrir Dinu l’ami de toujours, qu’il n’a pas revu depuis dix ans et qui le reçoit chez lui, ou rien n'a changé d'ailleurs, avec un large sourire, lui demandant de lui dédicacer ses livres, comme s’il était parti un jour avant !…

Sans aucun doute un très grand écrivain, et sans aucun doute pas le dernier livre que je lis de celui-ci !

Rappelons que ce livre a obtenu le Prix Médicis étranger en 2006. L’auteur a également été le lauréat de la Bourse Guggenheim et du Prix MacArthur en 1992 et le lauréat du Prix International Nonino (Italie) en 2002. Le nom de Norman MANEA a déjà été proposé à de nombreuses reprises pour le Prix Nobel de Littérature.