Le Modèle de Manuel Capouet

Le Modèle de Manuel Capouet

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Ddh, le 12 octobre 2016 (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 82 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (39 792ème position).
Visites : 2 059 

Tokyo chez les scientifiques

Rien à voir avec la haute couture, le modèle, ici, c'est un super ordinateur. Le narrateur y introduit des données scientifiques.
Jack, le narrateur, obtient une bourse pour son mémoire de doctorat. Il se retrouve à Tokyo. Là, tout est nouveau pour lui. La vie quotidienne au Japon y est décrite avec précision et une pointe d'humour. Que fait-il là ? De savantes recherches : prévoir les conséquences des changements tant démographiques que climatiques dans les années à venir. Pas beaucoup de places pour sa vie sentimentale, quoique... Les rapports entre chef et subalterne sont bien décrits, c'est une autre vie que nous, occidentaux, nous imaginons difficilement.
Déroutant à la lecture : il y a du japonais (heureusement traduit en bas de page) mais aussi de l'anglais, et là, l'auteur suppose que chacun maîtrise la langue de Shakespeare ! L'action est au deuxième plan : une place trop grande est laissée aux données scientifiques qui peuvent toutefois plaire aux écolos ; il est clair que l'auteur flirte avec cette idéologie !

Message de la modération : "pour envoyer un manuscrit aux éditions Diagonale, il y a lieu d'acheter un roman Diagonale"

Connectez vous pour ajouter ce livre dans une liste ou dans votre biblio.

Les éditions

»Enregistrez-vous pour ajouter une édition

Les livres liés

Pas de série ou de livres liés.   Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série

Japon et changements climatiques

9 étoiles

Critique de Nathavh (, Inscrite le 22 novembre 2016, 59 ans) - 11 décembre 2016

Jacques a vingt-sept ans, il est chercheur en climatologie. Il vient de gagner une bourse de recherches à Tokyo. A peine débarqué au Japon au kaikan (foyer universitaire) et pris possession de sa petite chambre de 15 m², un coup de fil du professeur Nishimura, alors qu'il s'endormait lui demande de venir de suite..

Et voilà on bascule de suite dans les us et coutumes du Japon. Une culture bien différente de la nôtre.

Avec beaucoup d'humour et de légèreté mais avec une grande précision Manuel Capouet nous décrit la ville, les codes et rituels du Japon, les rapports entre les gens et entre les subalternes.

Jacques va faire connaissance avec Atmosphéric General Circulation Model (AGCM) qu'il baptisera Scylla. C'est un méga ordinateur capable de simuler l'évolution du climat en fonction de multiples paramètres renseignés. Jacques San sera complètement obsédé par la modélisation et Scylla. Il en perdra la raison.

Son objectif : prévoir les conséquences climatiques et démographiques. Il abordera le thème de l'immigration et ses conséquences.

Il vivra en véritable ermite, plongé jours et nuits dans sa modélisation, pour devenir une sorte d'oracle, de pythie prédisant l'avenir des cultures dans telles ou telles régions.

Un livre sympathique, bien rythmé qui nous permet d'apprendre beaucoup de choses sur les variations climatiques et leurs conséquences. Beaucoup de réflexions se dégagent à la lecture. On apprend tout en s'amusant.

Originalité du récit ; des mots en japonais avec chaque fois une annotation nous permettant de comprendre et de les assimiler pour s'imprégner de la culture japonaise. Une très belle écriture.

Autre particularité, un peu déroutante au départ, une partie des dialogues est en anglais ce qui donne encore plus de réalisme à la situation.

Un premier roman réussi, on a envie de savoir, on ne le lâche pas du début à la fin. On s'instruit, on sourit et rit à la lecture. Une belle réussite.

Soyez curieux.

Ma note : 8.5/10

Les jolies phrases

Tokyo ne ressemble pas aux villes européennes. Nos villes sont profondément humaines, tandis que Tokyo paraît suspendue comme un nid de guêpes monstrueux qui n'a d'autre fin que de croître.

Les riches comme les pauvres polluent. Les uns par luxe, les autres par nécessité.

C'est juste qu'il y a trop de monde. Trop de monde comme à Tokyo. On est tous trop serrés et on s'intoxique comme des poulets de batterie. Pourtant ça n'arrête pas de pondre. Scylla a raison, ça vit trop.

La vie c'est "on" ou "off". On ne glisse pas vers la mort. Un instant, on était, ensuite on n'est plus et on n'a rien vu venir.

En Occident, la confiance, on s'y résigne seulement quand il n'y a pas moyen de faire autrement. On la concède en maugréant des "si tout le monde faisait comme ça". Ici, on donne sa confiance d'emblée, simplement, parce que la fierté se porte sans mensonge. Quand bien même on la perdrait, ce n'est jamais définitif, car le suicide rend tout au Japon.

Le migrant... Quand il arrive quelque part, qu'est-ce qu'il devient ? (...) , et on ne savait toujours pas si le migrant avait fini par se sentir chez lui quelque part et en paix .

Travaillez mal, travaillez bien, c'est sans importance au Japon. Avant tout, soyez présent !

Votre problème à vous les occidentaux, c'est que vous n'osez plus vous plonger dans une vie réelle. Vous préférez vivre à côté.

Il laissait le temps percoler en lui. Il se sentait à sa place, parfaitement dans son espace et dans le présent. Il en saisissait chacun des infinis instants qui coulaient en lui. On aurait dit qu'il s'était libéré du désir lié à l'attente.

Tous les enfants du monde préfèrent le miel au navet. Les chansons d'amour racontent toutes les mêmes histoires. Personne ne croit aux promesses mais tout le monde en demande.

J'ai pensé qu'il suffisait de remettre l'amour à plus tard comme un achat. L'objet est toujours neuf quel que soit le jour où on l'achète. Peut-être que si je parvenais à vivre comme si demain était du bonus j'y gagnerais l'éternité et, après tout, c'est tout ce qui compte.

Le monde est fait de systèmes qui s'affrontent et se repositionnent comme des plaques techtoniques. Tu dois traquer les failles cachées sous le ciment des civilisations. Tu dois introduire le jeu de la thèse et de l'antithèse dans ton modèle. C'est cet équilibre qui introduit le temps et donne la direction de l'évolution de l'humanité. Retiens ceci : la contradiction est la racine de tout mouvement et de toute manifestation vitale. (Nope, Hegel)

Les Japonais sont comme ça ; ils peuvent nous entretenir de sujets anodins pendant des heures. Comme le dit Selim, ces petites choses sans importance sont autant de nénuphars qui parsèment la surface de l'eau et cachent pudiquement la vase boueuse des vérités froides et nues. Les Japonais sont toujours en train de nous signifier autre choses que ce dont ils nous entretiennent.

La réalité est moins moche quand elle est amère et absurde. Les plus belles poésies et les rires les plus forts naissent de l'abîme du désespoir.

C'est le problème des démocraties, continuait Selim. Elles atrophient vos envies et vous préférez qu'on vous raconte le monde à travers de petites histoires le soir avant de vous endormir.

Ce qui n'est pas encore modélisé est nommé liberté. Ce qui est modélisé est nommé rationalité. Ce que l'on nomme évidence est donnée. Ce que l'on nomme choix est équation. Ce que l'on nomme décision est résolution.

In my culture, you can refuse a bottle of wine, never a piece of bread.

Mais qu'importe! Quand il y a crise, il y a opportunité !

Forums: Le Modèle

Il n'y a pas encore de discussion autour de "Le Modèle".