Babylone
de Yasmina Reza

critiqué par Tanneguy, le 30 septembre 2016
(Paris - 84 ans)


La note:  étoiles
Un crime ordinaire chez des petits-bourgeois ordinaires
Yasmina Reza travaille beaucoup pour le théâtre et le cinéma. Le style de ce récit le reflète, et ce n'est pas désagréable ! La narratrice rapporte sobrement les faits, mais n'hésite pas à faire de nombreuses digressions pour éclairer ses propres sentiments comme les personnages traités avec humour. L'intrigue est mince : après une soirée un peu arrosée un voisin étrangle sa femme et sa voisine essaye de le raisonner et l'aide à appeler la police.

Au total nous avons une peinture parfois cruelle d'une société ordinaire, souvent méconnue mais attachante car elle nous ressemble. De nombreux détails illustrent cette description sans fard de comportements ordinaires dans le monde d'aujourd'hui.

Un petit livre qui se lit d'une traite et, pour ma part, avec plaisir
Livre d'images 6 étoiles

Elizabeth Gauze et son mari Pierre organisent, chose rare, une soirée entre amis, où, pour la première fois, ils convient leurs voisins, Lydie Gumbiner et Jean-Lino Manoscrivi.
Une ambiance banale entre des personnes qui ne se connaissent pas malgré quelques mots tendus entre la voisine et son compagnon.
Mais quelques heures plus tard, Jean-Lino redescend pour dire qu’il a tué sa femme.

Elizabeth, la narratrice déroule le fil de ses pensées, avant, pendant, après le drame, décrivant avec minutie et réalisme son enfance, sa vie actuelle, la rencontre avec son voisin, analysant ses relations avec celui-ci, essayant d’expliquer ses étranges réactions, dans cette série de scènes.

L’intrigue dans ce roman devient presque secondaire.
On feuillette un livre d’images, un album photographique, instantanés de moments décrits, de décors plantés, de visages détaillés, où les choses deviennent aussi importantes que les gens, (la valise rouge, les bijoux, les vêtements de Lydie), avec un sens de l’observation impressionnant.

L’auteure, avec la distance d’un professionnel derrière son appareil photo, expose l’angoissante solitude humaine, de questionnements en réflexions pertinentes.
"Quand on grandit avec l’idée de n’avoir personne, on peut difficilement revenir en arrière… n’avoir personne, c’est n’avoir même pas soi-même. Quelqu’un qui vous aime vous délivre un certificat d’existence (ou de consistance)."

Un roman très visuel, installant une distance peu agréable avec les personnages, une gênante sensation de froideur, voire de voyeurisme.

Marvic - Normandie - 65 ans - 9 septembre 2019


Un dîner mondain virant au drame 8 étoiles

Une scientifique et chercheuse vit bourgeoisement dans un bel appartement, s'entend bien avec son mari, son couple alimentant de bonnes relations avec leurs voisins, le mari intrigant la protagoniste. Ils se disent que c'est l'occasion de l'inviter avec sa femme. C'est ce qui se produit, au milieu d'une flopée de trente invités. Au cours de la soirée, le voisin ironise son épouse à propos d'un poulet bio, ce qui la vexe, car cela fait suite à une boutade énoncée au restaurant devant le serveur. Une tension se fait alors sentir entre eux. La soirée est menée jusqu'à son terme ; et, avant de partir, le voisin énonce avoir étranglé sa femme. La protagoniste le convainc d'appeler la police, qui finit par arriver. Elle est longuement questionnée également, avoir que l'assassin conjugal reparte en incarcération.

L'auteur se complait donc dans les situations qui tournent mal, les malentendus qui vont loin, avec une tendance au dérapage. Ici, l'analyse psychologique est menée assez finement, sur un ton assez clinique, les sentiments étant toutefois retranscrits. Peut-être aussi m'habitué-je à son style, mais la tension est mieux contenue et traitée ici, me semble-t-il, que d'accoutumée, si bien que cela se laisse lire. Cela m'a rappelé Cuisines et dépendances, un classique pour moi, aux conséquences macabres. C'est plutôt bien fait, selon moi.

Veneziano - Paris - 46 ans - 16 septembre 2018


Boum ! 6 étoiles

Yasmina Reza a construit un texte assez lourd, ou plutôt une ambiance pesante dans sa forme. Les personnages sont sympathiques mais un peu figés. On se croirait dans un musée où les statues évoluent par saccades, au ralenti.
Ces couples sont des cocons où finalement vivent des étrangers qui se côtoient poliment. Et puis un jour, tout ce qui n'a pas été dit, tout ce qui a été dit en trop, ou mal dit... ou mal écouté, toute cette accumulation explose. Boum !

Quelques très beaux passages, mais à part ça je n'ai rien trouvé d'extraordinaire dans ce roman, prix Renaudot 2016 de petite facture. Je n'ai pas réussi à me laisser surprendre. Dommage.

Monocle - tournai - 64 ans - 31 janvier 2017