Highway
de M. D. Jastrebic

critiqué par Pavlovic, le 28 septembre 2016
( - 74 ans)


La note:  étoiles
Un Highway de marque
Après le succès de leur premier-né littéraire, «Le Nom de la nuit», les frères Jastrebic nous apportent leur tout nouveau roman, «Highway» dans un genre totalement différent du premier, un genre dont le nom en franglais hésite entre road story et road trip et qui suggère aussi bien l’ambiance générale du récit que sa structure. Il s’agit donc d’un roman d’aventures, avec pour le personnage principal une famille américaine typique, déchirée intérieurement par un drame personnel de chacun de ses membres : le père souffre du syndrome post-traumatique suite à un des engagements militaires de son pays, la mère est torturée par les remords suite à un incident adultère, la fille est angoissée par les mauvais souvenirs d’une soirée ratée, seul le fils, le plus jeune de la lignée, semble s’amuser même dans les situations les plus périlleuses qui ne cessent de se succéder de la première à l’avant dernière page. La famille part en une sorte de vacances à l’improviste à bord d’une puissante 4 x 4, histoire de fuir, ne serait-ce que pendant quelques jours, un quotidien asphyxiant. Le cap sur l’ouest, ils s’engagent sur une autoroute interminable et sans issue : toute tentative de la quitter pour en prendre une autre s’avère vaine. La course sur cette autoroute devient un cauchemar, la famille se trouve, sans le vouloir, au milieu d’un règlement des comptes de deux bandes de motards et à plusieurs reprises échappe de justesse à une fin tragique. Les gens ordinaires qu’ils rencontrent à leurs nombreuses escales (motels, pompes d’essence) semblent tous venir d’un autre monde, d’un monde parallèle et inconnu hors de ce labyrinthe asphalté. Un dénouement inattendu intervient juste au moment où le lecteur commence à se lasser de cette succession linéaire de scènes de poursuites motorisées, de violence, de situations angoissantes. Et du coup, le lecteur discipliné qui lit ses bouquins jusqu’au bout sans forcément aimer le genre, comme moi, se surprend à la dernière page à constater que, oui, ce n’est pas mon genre préféré, mais ce bouquin est vachement bien écrit.

Voilà donc le secret du «Highway» : c’est un récit très bien écrit, à tous les points de vue. Sa structure linéaire qui autrement risquerait d’ennuyer le lecteur est relevée par une dynamique méticuleuse des scènes, par le rythme de leur succession, par les dialogues bien agencés, par les mots d’esprit qui ne tournent jamais en comique à deux sous. Les scènes de violence et d’un érotisme cru et parfois brutal sont décrites dans un français très modéré trahissant un fond culturel très européen des frères Jastrebic, malgré l’ambiance très américaine du récit. Celui-ci a beau être situé dans un genre et dans une ambiance à laquelle nous ont habitués les films hollywoodiens, on n’y trouvera pas ces exclamations monosyllabiques scabreuses ni les jurons choquants des héros du genre. C’est précisément à cette differentia specifica d’avec ce que généralement impose ce genre que ce deuxième roman des frères Jastrebic doit sa qualité majeure. Bref, sur l’étalage des romans de ce genre, «Highway» est un champagne de marque parmi les mousseux de supermarché des road stories. À déguster avec raffinement.