Charlotte ne sourit pas de Thomas O. Saint-Pierre

Charlotte ne sourit pas de Thomas O. Saint-Pierre

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 21 septembre 2016 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 8 étoiles
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S'aimer et Aimer

Qui sommes-nous ? Comment agissons-nous ? Que devons-nous faire en société ? Si on aligne les questions du genre, on finit par douter de soi. « J’aurais donc dû... » On ne connaît jamais les mots ou les gestes qui conviennent. Douter de soi, c’est consentir à des relations humaines infernales. Comme disent les Québécois qui se questionnent, « je devrais-tu… ».

De prime abord, on croirait lire du chick lit. Une histoire de filles qui se cherchent un chum (amoureux). Comme le chanterait Michèle Richard : « Qui sera la plus belle pour aller danser ? » Mais nenni. L’auteur transporte le lecteur dans un univers plus complexe que celui d’être cute (belle) pour dénicher l’âme frère. Comme les protagonistes sont deux jeunes femmes colocataires, on pourrait s’attendre à ce qu’elles se soutiennent et s’encouragent dans leur quête commune. Eh bien non. Elles se bitchent (s’attaquent) comme ce n’est pas possible. Elles se font la baboune (gueule). Le silence est aussi éloquent que leurs paroles assassines. Les réconciliations pointent quelquefois, mais fondent plus vite que glace au soleil. Et quand elles prennent une décision, il semble que ce soit toujours la mauvaise. « Ai-je choisi le bon amoureux ? » « Devrais-je m’amouracher ? » Bref, ce sont deux femmes moulées en points d’interrogation.

On n’est jamais sûr de rien, dit le dicton. Le narrateur omniscient, l’auteur en l’occurrence, voudrait bien les aider à résoudre leurs problèmes dubitatifs. Quand on vit au subjonctif, l’imparfait a la préséance. On cherche chez autrui les causes de son insuccès. Charlotte trouve que sa prétendue amie n’est pas assez jolie, Mireille trouve que Charlotte ne sourit pas assez pour entretenir la convivialité. Elles ne sont jamais assez ceci ou cela. C’est épuisant de cohabiter dans un contexte de dénigrement camouflé sous le couvert de l’amitié. Et vouloir vaincre les frontières de la timidité rend malhabile quand on ne s’aime pas.

L’auteur se sent mal à l’aise avec ses analyses psychologiques. « De quoi je me mêle ? », se demande-t-il. « En fait, Thomas Ouellet-Saint-Pierre est amoureux d’un personnage qu’il a créé, soit Charlotte qui apparaît comme son alter ego féminin si l’on se fie aux entrevues qu’il a accordées. On dirait Flaubert qui aime Madame Bovary. Son entreprise romanesque sur le doute est fort originale. Il ne faut pas croire que les portraits déchirants qu’il a brossés sentent la déprime. Ses héroïnes ne sont pas dépourvues de ressources pour s’en sortir. C’est même avec une plume un brin ironique qu’il décrit un univers féminin qui s’entredéchire. C’est une œuvre bien ficelée qu’on lit avec plaisir. Même si des québécismes émaillent le commentaire, l’auteur, lui, s’en tient à une langue classique.

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