Les légendes de Khasak
de O. V. Vijayan

critiqué par SpaceCadet, le 8 septembre 2016
(Ici ou Là - - ans)


La note:  étoiles
Balade au pays des légendes
Généralement reconnu pour avoir modernisé et ainsi révolutionné la littérature malayalam (1), fait que semble confirmer le nombre de réimpressions dont il a fait l'objet dans sa version originale, 'Les légendes de Khasak', publié en 1969, constitue également l'un des rares romans traduits du malayalam auquel nous avons accès aujourd'hui.

Conçu et se déroulant dans l'Inde postcoloniale et après-partition des années 1950, alors qu'elle est dirigée par un gouvernement de centre-gauche et un premier ministre (Nerhu) qui, entre autres initiatives, met en place la réorganisation des états et fait la promotion de l'éducation primaire, O.V. Vijayan situe son récit au Kerala (pays d'où il est originaire), un état officiellement créé en 1956 qui, en 1957 élit un gouvernement communiste. Etant lui-même militant de gauche O.V. Vijayan, s'inspire notamment d'une expérience vécue dans le village de Thasarak au Kerala pour concevoir un récit en accord avec ses idées. Mais lorsqu'en 1958, l'auteur vit une grande désillusion politique (2) (qui sera suivie d'une période de mise en question), il décide de donner une orientation différente à l'œuvre en cours. Doté d'une intrigue délicatement tracée en filigrane, 'Les légendes de Khasak' se présente dès lors, suivant les termes employés par l'auteur, comme une balade du ré-enchantement.

Le récit s'ouvre avec l'arrivée de Ravi qui, bagage en main et vêtu de safran, débarque dans ce bout du monde avec pour mission d'y ouvrir une école et d'y enseigner. On sait peu de choses au sujet de Ravi et tandis qu'il s'efface rapidement pour se fondre parmi une foule de personnages, nous le voyons s'intégrer peu à peu à cette petite société au sein de laquelle il franchira une étape importante de son parcours personnel.

Alternant d'un point de vue à l'autre sans jamais s'attacher à un fil précis, -un procédé intéressant quoique déstabilisant-, ce récit nous offre une expérience multi-facettes de l'univers qu'il dépeint.

Oracle fourbe, astrologue réincarné en sorcier, mullah visionnaire, limonadier médisant, chasseur de serpents doté de pouvoirs surnaturels, puisatier cocu, crétin rêveur, jeunes filles en fleur ou femmes victimes d'un mauvais sort, comptent parmi les nombreux acteurs prenant part à un quotidien souvent miséreux mais invariablement nourri d'histoires, de magie, de drames, de passions et d'antagonismes.

De ce tableau peu détaillé mais habilement dessiné à coup d'images et d'allusions, émerge un lieu presque mythique, une bulle à l'intérieur de laquelle se déploie un monde à la fois réaliste et magnifié, où l'existence se déroule à un rythme qui lui est propre, suivant des lois ancestrales nourries de légendes, de croyances, de superstitions et autres spiritualismes.

Bien que l'écart inhérent à la traduction rende difficile l'appréciation de la qualité linguistique attribuée à l'original (3), cette version traduite par l'auteur (4), n'en est pas moins agréable et rend assez bien justice, il me semble, à la personnalité du texte ainsi qu'à l'originalité de son contenu qui, à eux seuls, justifient la lecture de ce charmant roman.


Notes
1. Langue parlée dans le sud de l'Inde comptant environ 36 millions de locuteurs.
2. En postface,O.V. Vijayan révèle que la nouvelle de l'exécution du Hongrois Imre Nagy a fortement ébranlé ses convictions politiques.
3. Certains critiques estiment que chacune de ces deux versions (anglaise et malayalam) constitue un ouvrage distinct.
4. Lu en version anglaise.