Sur les traces de l'Allier : Histoire d'une rivière sauvage
de Estelle Cournez

critiqué par Fanou03, le 30 août 2016
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
Une des dernières rivières sauvages d'Europe
Après le magnifique ouvrage de Fabrice Cahez, L'Allier, rivière à plumes, publié en 2007, mettant en valeur la faune fréquentant la rivière Allier, voici donc Sur les traces de l'Allier: Histoire d'une rivière sauvage, sorti en 2015. Le livre d'Estelle Cournez, qui offre un large aperçu hydraulique, social, historique et économique de l'Allier (pour sa partie traversant le département du même nom), s’avère à nouveau être un très beau livre, à la fois complet et parfaitement accessible.

L'ouvrage résulte d’une enquête de terrain qui a permis de réunir des témoignages et des documents inédits, notamment des cartes du dix-huitième siècles venant illustrer de quelle façon la rivière structurait le quotidien des hommes vivant sur ses berges. C’est l’un des enseignements étonnants que j’ai tiré de ce livre : la présence historique de petits ports, aujourd’hui disparus, tout au long du cours d’eau, soutenant une activité batelière intense malgré la navigabilité capricieuse de la rivière. L'essor du chemin de fer à la fin du dix-neuvième siècle signera la fin de la batellerie sur l'Allier et la disparition de ces ports.

On imagine la pugnacité que devaient avoir ces "marins d’eau douce" devant une rivière au cours changeant et piégeux, obligeant sans cesse à modifier les parcours et les points d’accès aux berges. Car c’est l’une des remarquables caractéristiques de l'Allier, sur laquelle le livre met fortement l'accent: celle d’une rivière au dynamisme fluvial extrêmement important, exceptionnellement préservé, pour notre époque, d’aménagements majeurs.

Bien sûr le cours d’eau n’a pas échappé aux digues, aux enrochements, élaborés pour protéger les terres arables ou les ouvrages d'art, ni à l’installation de nombreuses gravières, extrayant de la rivière des matériaux dont l’industrie du bâtiment est friande. Le livre explique très bien à ce propos, sans polémique, les conséquences de ces équipements sur la dynamique fluviale de l'Allier, comme l'enfoncement de son lit, risquant d’assécher les nappes alluviales alimentant les captages en eau potable. L’auteur évoque les solutions techniques et réglementaires qui ont été déployées ces dernières années afin de limiter ces conséquences néfastes.

Le livre est richement illustré de schémas explicatifs et surtout de documents cartographiques, photographies aériennes et cartes anciennes, montrant l'évolution de la rivière, restée indomptée au cours du temps. Bien qu’il ne fasse l’impasse sur aucune problématique, il faut noter que l’ouvrage se veut néanmoins consensuel, donnant la parole à de nombreux acteurs, que ce soit les protecteurs de l'environnement, les agriculteurs, les exploitants de gravière, les riverains, qui donnent tous le sentiment d’être animés par le même désir de comprendre et de protéger une des dernières rivières sauvages d’Europe.