Chemin de fer de Michel Joiret

Chemin de fer de Michel Joiret

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Ddh, le 24 août 2016 (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 82 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 719ème position).
Visites : 2 862 

Nostalgie, nostalgie... que c'est bon !

Valentin Duvalois, le narrateur, est un passionné de Chemin de Fer. Ce moyen de transports conditionne toute sa vie.
Valentin Duvalois, employé d'assurances, vit seul et est à la retraite. C'est l'occasion de refaire une introspection sur sa vie, son enfance et son adolescence. Ce qui le fait chavirer ? Le chemin de fer ; ce qui l'envoie en pèlerinage chaque jour à la gare du Midi toute proche de son domicile, sans oublier les bistrots bruxellois. Les grands événements du XXème siècle sont passés en revue au plus grand bonheur du lecteur.
Très agréable à lire, ce roman : jeux de mots, descriptions précises, découpage original. Un petit bijou !

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Passion fixe

9 étoiles

Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 9 décembre 2016

Valentin Duvalois est retraité et réside rue Grisar (au nom évocateur), à quelques pas de la Gare du Midi. À proximité de ce qui a donné un sens à sa vie, fait battre son cœur. Car c’est un fou des gares et des trains, une façon comme une autre de rêver à quai. Une passion fixe, dirait Sollers, que Joiret cite en exergue... Car il ne voyage pas, il détaille les voyageurs, il scrute l’arrivée des trains en provenance de Liège, Anvers, Vintimille, Amsterdam ou Paris. Il lui arrive de courir à la suite d’un convoi qui part jusqu’au bout du quai où le chemin des voyageurs s’arrête pour faire place à la grande trouée...

Le circuit de chemin de fer dont il est à jamais orphelin est l’emblème de la précaire cellule familiale qui va se rompre pour lui à l’adolescence avec les tronçons de rails démantelés qu'il devra remiser, blessure jamais refermée, comme une marque indélébile, une voie ouverte vers l’enfance entre un père avare de tendresse qui ne décidera jamais à vraiment devenir père et une mère démissionnaire.

Son chemin de fer avait appris à Valentin qu’il pouvait voyager sans être vu et enfreindre les règles sans être soupçonné.

C’est non seulement sa vie qui va se mettre au rythme ferroviaire mais aussi l’histoire de la Belgique qu'il va regarder défiler par la vitre du souvenir : cette main de fille qui va illuminer l’été de ses quinze ans dans le voyage en train vers Saint Raphaël , le rappel - en présence de Léopold 1er - de l’inauguration de la première ligne de chemin de fer belge en 1835, la jonction Nord-Midi en 1952, l’expo 58 (et le discours d’un autre roi, Baudoin), les discours protocolaires d’indépendance du président congolais et de son premier ministre Lumumba, fustigeant le passé colonialiste…joiret-2.jpg

Il redoute comme la peste une grève des cheminots car cela le replongerait au temps de la rupture… quand sa mère l’a prévenu qu’il lui faudrait renoncer au merveilleux réseau de son enfance, qu’il a vu ses petits wagons, signaux et autres motrices enfouis dans des caisses à bananes.

La grève survient toutefois en 2015 et, faute d’accès à la gare et aux voies, il se sent reclus dans sa propre existence. Grâce à une ruse, il parvient à passer de l’autre côté du miroir, dans une gare et sur des voix désertes pour franchir bientôt les trois marches qui le séparent d’un wagon fantasmatique (comme les trois marches luisantes de cire qui l’avaient séparé du bureau du père dans lequel il découvrira, par effraction, les plaisirs de la lecture, un autre type d’évasion).

À partir du wagon, il précipite son voyage dans le temps et remonte à son séjour à Tunis pendant la guerre où il réside avec ses parents en dessous de l’appartement d’André Gide. C’est là qu’il reçoit, à cinq ans, en 43, son petit premier train bleu en bois qui le fera échapper psychologiquement des affres de la guerre.

On pense, à partir de l'épisode du wagon, aux gares de Paul Delvaux et au train du film d'André Delvaux qui s’arrête en rase campagne au crépuscule puis plonge les protagonistes dans un monde absurde...

Tendresse, sens du merveilleux, chronique historique, album de souvenirs se mêlent dans ce roman attachant et très bien mené qui s’installe dans la lignée de livres comme Une paix royale de Mertens ou d'ouvrages de Roegiers que Joiret cite dans le récit en tant qu'adaptateur pour la scène en 1978 du Pauvre-B… de Baudelaire.

Un roman personnel qui dit beaucoup sur notre goût du secret, notre aptitude à nourrir une passion propre qui se nourrit d’un détachement partiel de la réalité, si nécessaire et si invalidant aux pauvres mortels, fous d’enfance et de relecture de nos vies que nous sommes tous restés, Michel Joiret en tête.

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