La Trilogie de Transylvanie : Tome1, Vos jours sont comptés
de Miklós Bánffy

critiqué par Romur, le 18 août 2016
(Viroflay - 50 ans)


La note:  étoiles
Tolstoï en Transylvanie
Vous avez en mémoire vos cours d’histoire sur la première guerre mondiale, la fin de l’empire austro-hongrois, les problèmes des nationalités en Europe centrale.
Miklos Banffy vous propose une plongée dans les années qui ont précédé, à partir de 1904. Ses héros principaux sont transylvains (région aujourd’hui rattachés à la Roumanie), tous membres de la haute société et de la noblesse (même si être transylvain ce n’est pas tout à fait comme être hongrois de Budapest, ce qui n’est pas être autrichien de Vienne).
Et toute cette bonne société se retrouve à date fixe pour la chasse, les courses, les bals, migrant entre la capitale et leurs domaines en province. Il faut marier les filles, les jeunes gens mènent la belle vie, certains dilapident la fortune familiale au jeu, de jeunes femmes souffrent de mariage ratés et se cherchent des amants, des administrateurs sans vergogne s’enrichissent au dépens de leur maître trop confiant. Si vous avez lu Balzac ou Tolstoï vous êtes familiers avec cette ambiance.
Si vous ne vous passionnez pour le drame affectif d’Adrienne (un très beau personnage), la carrière politique de Balint ou la déchéance de Laszlo, vous serez peut-être comme moi attentifs aux événements politiques, vous découvrirez la mécanique démocratique de l’Empire, les menées populistes des extrémistes et des indépendantistes hongrois. Et vous vous direz en voyant le jeu des partis, les ambitions carriéristes faisant fi de l’intérêt public, les négociations en coulisse, que rien n’a changé et que le système parlementaire reste affligé des mêmes tares à toutes les époques et dans tous les pays. « S’en tenir à son propre credo, ne voir qu’un tissu d’erreurs dans celui de la partie adverse, tel est le principe de la vie parlementaire.[…] L’opposition restant toujours l’opposition, n’avait jamais pu acquérir une expérience gouvernementale. Le parti qui avait jusque-là détenu le pouvoir ne pouvait voir dans ses adversaires que des ennemis. » Et ce passage-là « Ainsi donc le programme oppositionnel qui avait accueilli toutes les revendications populaires et dans une bonne partie n’avait été adopté que dans un but électoraliste constituait pour l’opposition […] un obstacle infranchissable. […] Les partisans du compromis de 1867 qui, oubliant leurs propres convictions, n’avaient rejoint le bloc de l’opposition que pour faire tomber Tisza se trouvaient prisonniers du camp des indépendantistes. » Tout ressemblance avec le Brexit...
Dernier intérêt du roman : le style extraordinaire de Miklos Banffy et notamment des descriptions de paysages, de château, de cascade absolument éblouissantes. J’ai marqué certaines pages pour pouvoir les lire et les relire !
Malgré tout, je dois avouer une hésitation à l’idée d’acheter les deux tomes suivant (750 pages chacun) pour poursuivre l’analyse politique de l’Autriche-Hongrie : les intrigues mondaines de ce Tolstoï du XXème siècle ne m’ont pas assez accroché.