La leçon d'amour dans un parc
de René Boylesve

critiqué par Alceste, le 16 août 2016
(Liège - 62 ans)


La note:  étoiles
La magie d'un titre
Sur la foi d’un titre on peut se plonger dans un roman. Celui-ci était annonciateur d’une sorte de conte moral vaguement teinté d’érotisme, suscité par le raffinement d’un décor naturel. La couverture du roman ayant été montrée à l’exposition « En plein air" du musée de la Boverie à Liège, mon désir de découvrir ce roman a été renforcé.

D’emblée nous sommes plongés dans un milieu et un ton très 18e, et dans un parc justement, où, au centre d’un bassin aménagé dans un bosquet, Ninon, une jeune épouse délaissée par un mari plus âgé, a eu l’idée d’ériger une statue d’Éros. "Ériger" est le mot car le sexe du jeune homme s’épanouit dans toute la vigueur de son activité. Cette idée originale met en branle, si j’ose dire, l’intrigue, puisqu’elle va susciter la concupiscence des uns et les indignations vertueuses des autres. Deux jeunes gaillards et un robuste jardinier ne resteront pas indifférents au charme de la peu farouche Ninon, tandis que de plantureuses matrones jetteront leurs forces pour sauver la morale. Ainsi vont se succéder, sous l’œil amusé et complaisant du narrateur, une kyrielle d’épisodes scabreux, parfois graveleux, où la morale est bien mise à mal, d’autant que tout cela se déroule sous les yeux d’une enfant que l’on tente de préserver du vice.

Bien sûr, aucune obscénité n’est tolérée dans les mots, tout est narré dans un langage d’une impeccable tenue, allant parfois jusqu’à la préciosité. On pense à une sorte de parodie des romans libertins du 18è siècle, mais on n’y sent pas la perversité subversive des « Liaisons dangereuses », par exemple, ou des pastiches de Pierre Louÿs. On songe plutôt à des galanteries polissonnes pour vieux monsieur bien mis. La sensibilité voluptueuse de René Boylesve s’y exprime sans entrave, avant que, devenu plus âgé et en quête d’un fauteuil académique, il se tourne vers des inspirations plus respectables.

La promesse du titre n’est donc pas vraiment tenue, le parc est vite abandonné au profit des dédales du vaste château, et le ton est plus égrillard que moral, mais il reste le plaisir d’une écriture raffinée, du charme désuet d’une autre époque et de l’ironie souriante du récit.