Cendres
de Álvaro Ortiz

critiqué par Blue Boy, le 15 août 2016
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
L’amitié au-delà des cendres
Trois amis d’enfance qui s’étaient perdus de vue se voient réunis pour une mission très spéciale : transporter les cendres de leur ami décédé vers un mystérieux point X sur la carte laissée par celui-ci. Cette cohabitation forcée va leur fournir l’occasion de se confronter après plusieurs années de séparation, faisant surgir culpabilité et rancœur. Et pour ne rien arranger à l’affaire, de mystérieux mercenaires au look ZZ Top leur filent le train…

Entre thriller et roman graphique, Álvaro Ortiz nous délivre ici un « road » qui aurait pu rapidement tourner à l’ennui s’il n’avait placé quantité d’obstacles sur la route de ses personnages. Publiée en 2013, « Cendres » était sa première œuvre, rééditée l’an dernier dans une « couverture cartonnée avec dos toilé » s’il vous plaît. L’auteur espagnol y fait déjà preuve d’une impressionnante maîtrise scénaristique. Malgré plusieurs inserts documentaires et historiques de deux pages autour du thème de l’incinération, et maints flashbacks sur le passé des protagonistes, on ne perd jamais le fil du récit. Non seulement celui-ci reste fluide, mais il est intriguant grâce au mystère entourant cet étrange jeu de piste laissé par Hector à l’intention de ses vieux amis, telle une quête du Graal semblant comme par magie maintenir entre eux trois une sorte d’unité malgré leurs dissensions. De même, les personnages, chacun avec leurs failles, sont suffisamment bien campés pour être attachants. D’ailleurs, même les « méchants » ne sont au fond pas si méchants et nous font presque rire, car il faut le préciser, l’humour est présent…

Graphiquement, Álvaro Ortiz fait preuve d’une grande originalité dans la mise en page où parfois les vignettes réunies forment un plan plus large. Son « petit » dessin minimaliste force le lecteur à l’attention, exerçant sur ce dernier une certaine fascination. Il faut se rendre à l’évidence, et l’auteur le prouve : un récit aussi « cinématographique » peut parfaitement tenir dans d’aussi petites cases. L’ensemble est agrémenté de couleurs désaturées aux tons chauds, renforçant la cohérence de l’objet.

Incontestablement, cette première œuvre, touchante histoire d’amitié, est une réussite, laissant entrevoir chez cet auteur un talent certain pour conter des histoires humaines et atypiques bénéficiant d’un fond puissant. En somme, un auteur aussi doué pour créer des histoires que pour les mettre en scène, et ce de façon très personnelle. Est-ce en raison de la tonalité non seulement cinématographique mais aussi littéraire du livre (notamment avec une référence à Paul Auster), mais il me vient à l’esprit qu’Álvaro Ortiz mérite pleinement le qualificatif de romancier graphique. Une assertion qui se vérifie à la lecture de sa deuxième production, « Murderabilia ».