Entre-Temps, Blake Edwards de Nicolas Truffinet

Entre-Temps, Blake Edwards de Nicolas Truffinet

Catégorie(s) : Arts, loisir, vie pratique => Cinéma, TV

Critiqué par AmauryWatremez, le 10 août 2016 (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 54 ans)
La note : 9 étoiles
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Blake Edwards prince de la comédie sophistiquée

Blake Edwards est avec Billy Wilder, Howard Hawks et Leo MacCarey un des princes de la comédie sophistiquée à l'américaine. Contrairement aux trois autres cinéastes cités, étrangement peu de livres lui sont consacrés, sans doute à cause de la populaire série des « Panthère rose » le classant dans la catégorie des bons faiseurs, le félin étant sa malédiction et une bénédiction -dont financière, lui permettant de tourner ce qu'il voulait- le tout dans le même temps ainsi que pour l'interprète de Clouseau, Peter Sellers. Celui-ci avait une relation bizarre d'amour, haine toutes les deux passionnées avec le réalisateur. Blake Edwards se rapproche aussi de Franck Tashlin pour son goût des gags étirés jusqu'au bout ou « slowburn gag » et de l'absurde.



Il sait jouer des codes de la comédie hollywoodienne pour mieux s'en affranchir. Si les dialogues sont teintés de « screwball comedy », d'échanges très rapides entre les comédiens, de quiproquos théâtraux, ils sont aussi toujours marqués par une certaine misanthropie et une humeur douce-amère, y compris dans les spectacles « tarte à la crème » comme dans « La grande course autour du monde » avec Tony Curtis, Jack Lemmon et un jeune Peter Falk. « Breakfast at Tiffany's », offrant à Audrey Hepburn sans doute son meilleur rôle, est un de ses chefs d’œuvres avec « The Party » racontant le foutoir que Sellers met dans une réception chic chez un producteur hollywoodien et « Victor Victoria » avec Julie Andrews en vrai-faux travesti.


Audrey Hepburn incarne à merveille la pauvre Holly Golightly qui voudrait tant ne pas être dupe du monde et de ses attraits. Ne serait que la scène du générique de début de film vaut à elle seule le détour, montrant Holly, un croissant et un gobelet de café à la main, le nez chaussé de trop grandes lunettes noires pour son petit minois, élégante à l’extrême, fascinée par les diamants du fameux magasin de luxe new-yorkais la consolant des allers et retours qu'elle est obligée de faire avec des gentlemen pas toujours très recommandables pour survivre.



Dans « The Party », Sellers est Hrundi V Bakshi, figurant indien catastrophique invité par hasard à une sauterie mondaine qu'il fera exploser de l'intérieur de par sa maladresse salvatrice. Tout commence quand il paume sa godasse dans les décorations aquatiques prétentieuses de son hôte. Enfin, dans « Victor Victoria », Blake Edwards inverse le postulat de « Some like it hot » pour en arriver à une comédie toute aussi irrévérencieuse jouant à merveille des clichés et autres lieux communs avec l'air de ne pas y toucher.



La série des « Pink Panther » n'est pas à négliger, le deuxième épisode en étant certainement le plus réussi. Intitulé « A shot in the dark », c'est une parodie efficace de polar où l'incompétence de Clouseau frise le génie sans ridiculiser le genre que Blake Edwards affectionnait puisqu'il tourna entre autres la série des « Peter Gunn » avec Craig Stevens.



Ce livre présente également l'intérêt de relier les œuvres de Blake Edwards à l'ensemble de la production américaine des années 50 aux années 80. Nicolas Truffinet montre très bien que les réalisations de l'auteur du « Jour du vin et des roses » peuvent rivaliser avec de nombreux traités de sociologie beaucoup plus ennuyeux dans la description de l'évolution des mœurs.



Cependant il tombe dans le défaut de la plupart des livres parlant de cinéma de ces derniers temps. Il exhume des films plus confidentiels, à juste titre, de Blake Edwards sans qu'ils ne soient pour autant honteux, et en fait des chefs d’œuvres absolus injustement méconnus, lui seul pensant sans doute les connaître. On peut le comprendre, la cinéphilie de nombreux critiques n'allant pas beaucoup plus loin que les années 80. Je songe également à ce livre sur Bruno Mattéi qui en fait sans peur du ridicule l'égal d'un David Cronenberg, l'auteur de l'ouvrage croyant dénicher un petit maître inconnu.



« L'Amour est une grande aventure », « Dans la peau d'une blonde » ou le remake de « l'homme qui aimait les femmes » ne sont certes pas des nanars infâmes. Ils sont supérieurs à bien des comédies actuelles dont celles du surestimé Apatow, et valent quand même le coup d’œil pour leurs interprètes très talentueux dont Ellen Barkin en particulier pour le deuxième, mais ils sont loin, très loin, d'égaler la finesse des œuvres précédemment citées.



On ne lui en tiendra pas rigueur son livre ayant le mérite de rendre enfin hommage à Blake Edwards grâce à un petit éditeur courageux.

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