Un autre droit du travail est possible: Libérer, organiser, protéger
de Bertrand Martinot, Franck Morel

critiqué par Colen8, le 5 août 2016
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Primer les accords collectifs, protéger les actifs
Quand le droit du travail devient facteur de chômage au lieu de l’inverse, parce qu’en partie inadapté, illisible, inapplicable, inefficace et de surcroit source de déficits majeurs* il doit y avoir matière à le réformer. Les représentants de l’Etat font des lois alors qu’ils n’ont qu’une vision lointaine et déformée du monde du travail et de ses évolutions galopantes. Le Code qui régit le droit du travail s’articule entre les droits constitutionnels, les lois successives, les conventions collectives (accords d’entreprises, conventions de branches, conventions interprofessionnelles), le contrat de travail (droit commercial), les normes européennes, la jurisprudence. Plus personne ne s’y retrouve, pas même les juges à qui il arrive d’interpréter des lois en sens contraire à leur esprit.
Pauvres chefs d’entreprises en cas de litige qui peuvent avoir affaire à chacune des juridictions appelées à statuer : conseils de prud’hommes, tribunaux d’instance, de grande instance, tribunaux correctionnels et de police, tribunaux administratifs, cours d’appel et en dernier ressort la chambre sociale de la Cour de Cassation. Et que dire des IRP (institutions représentatives du personnel) qualifiées ici de kafkaïennes…
Parmi les dernières réformes jugées positives, le renforcement continu de la convention collective conçue comme la pierre angulaire du dialogue social, la rupture conventionnelle apportant plus de souplesse en matière de licenciement souvent demandée par les salariés eux-mêmes. Le CPA (compte personnel d’activité) donnant lieu à une accumulation de droits est une piste à suivre pour autant qu’il soit financé à la hauteur des besoins à couvrir et qu’il assure la protection des actifs quel que soit leur statut (salarié, indépendant, auto-entrepreneur dépendant économiquement, agent public éventuellement). Là aussi il reste du chemin à faire.
Ecrire sur un sujet brûlant d’actualité comme le droit du travail en mots simples sans dogmatisme ni manichéisme avec parfois une pointe d’ironie semble une gageure. Quand s’y ajoutent des préfaces de Pierre Gattaz, patron des patrons et de Jean-Claude Mailly, secrétaire général du syndicat CGT-FO parmi les plus contestataires, la surprise est complète. Le livre n’élude pas quelques grosses erreurs accumulées au fil des décennies, par exemple le SMIC, ou les 35 heures imposées uniformément sans examen suffisant de leur impact. Sur le SMIC c’est sa progression excessive trop éloignée des gains de productivité correspondants, fondée sur une forme de lâcheté politique, qui a plombé la compétitivité et fait décrocher le coût du travail par rapport aux pays concurrents. C’est un ouvrage didactique, qui prône le bon sens, la confiance et se veut constructif en indiquant clairement les pistes à creuser résumées en 72 propositions à la fin.
*Les allègements de charges sociales sur les bas salaires représentent un manque à gagner de 40 milliards d’euros par an pour le budget de l’Etat.