Comment s'en mettre plein les poches en Asie mutante de Mohsin Hamid

Comment s'en mettre plein les poches en Asie mutante de Mohsin Hamid
(How to get filthy rich in rising Asia)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique , Littérature => Anglophone

Critiqué par Cyclo, le 1 août 2016 (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 183ème position).
Visites : 3 926 

jubilatoire !

Mohsin Hamid, auteur inconnu de moi jusqu'à présent, est mon premier auteur pakistanais : je n'ai jamais réussi à lire Salman Rushdie ! Une sacrée réussite et un livre qui m'a bien plu, emprunté à mon excellente bibliothèque de quartier qui, heureusement, ne se limite pas aux best-sellers français et américains, même si c'est ce que préfère le public. "Comment s'en mettre plein les poches en Asie mutante" se présente comme un livre de développement personnel, mais il s'agit, bien entendu, d'un roman, et écrit à la deuxième personne du singulier, histoire de mettre le lecteur dans le coup, comme si l'écrivain s'adressait personnellement à lui !

L'auteur nous raconte la vie édifiante et surprenante d'un héros né très pauvre, dans la campagne arriérée, et qui a la chance d'être le petit dernier de la famille, de ce fait les parents vont vouloir qu'il suive des études pour ne pas subir la vie misérable qui est la leur. Il va lui falloir se battre, quitter la campagne pour aller en ville, améliorer peu à peu sa condition, découvrir, adolescent, l’amour pur (qu'il va conserver toute sa vie, alors même que "la jolie fille" reste en fait sa "princesse lointaine", et qu'il ne finira par la retrouver qu'à la fin de sa vie), et même faire fortune dans le commerce de l'eau en bouteille, avant d'être dépouillé par son beau-frère, et réduit à la gêne, ce qui ne le trouble que modérément, car au départ, il n'était rien. Mais cette fable exemplaire, sorte de Grandeur et décadence d'un César Birotteau pakistanais, nous fait percevoir la manière dont la réussite sociale peut arriver dans un pays de non-droit, où il faut payer des bakchichs aussi bien aux policiers qu'aux sous-ministres et chefs de cabinet. Mais est-ce tellement différent chez nous ; je suis peut-être pessimiste, mais je n'ai jamais rencontré en France quelqu'un qui ait réussi à monter très haut sans avoir beaucoup magouillé ? Il fallait beaucoup de légèreté, beaucoup d’humour pour rendre agréable la vie d'un tel héros.

Le procédé narratif permet à l'auteur d'impliquer le lecteur qui, s’il se prête au jeu, fait sienne la vie du personnage. Sous l'humour omniprésent, on trouvera une satire assez véhémente de la corruption du pays, jamais nommé, mais qui doit être le Pakistan et pourrait être tout autre pays du tiers-monde, aussi bien que du monde développé et soi-disant civilisé. Le héros, jamais nommé non plus, accepte au fond de participer à cette corruption généralisée, car les magouilles de toutes sortes sont le seul moyen de sortir de la pauvreté et d'atteindre l'aisance rêvée. On a donc affaire, aussi bien chez le héros que chez "la jolie fille" (jamais nommée autrement), à une course au trésor effrénée. Seule la fin de leur vie les ramène ensemble à se réunir dans un bonheur calme et désintéressé. En douze chapitres, on suit l'évolution du héros, et en parallèle de sa famille (car il fait participer son "clan" à sa réussite), aussi bien que de "la jolie fille", dans un pays saisi par la mondialisation et la modernité à marche forcée, avec la violence et les attentats en arrière-plan. L'histoire d'amour est une sorte de fil conducteur, ce qui rend le roman attachant à mes yeux. Le héros a rencontré "la jolie fille" vers ses quinze ans, quand il travaillait comme livreur de DVD piratés pour payer ses études, et qu'elle tentait de se faire un nom comme mannequin et actrice.

Après lecture, saura-t-on s'y prendre pour s'en mettre plein les poches ? Ou même, en a-t-on envie, quand on voit toutes les magouilles et malversations nécessaires pour y arriver ? J'en doute, mais on aura passé un bon moment, riche d'humanité, de cette "pauvre" humanité qui est bien la même sous toutes les latitudes, à la recherche du Veau d'or !

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Les éditions

  • Comment s'en mettre plein les poches en Asie mutante [Texte imprimé], roman Mohsin Hamid traduit de l'anglais (Pakistan) par Bernard Cohen
    de Hamid, Mohsin Cohen, Bernard (Traducteur)
    B. Grasset
    ISBN : 9782246807827 ; 17,90 € ; 27/08/2014 ; 256 p. ; Broché
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GRANDEUR ET DÉCADENCE EN ASIE (MUTANTE?).

10 étoiles

Critique de Septularisen (Luxembourg, Inscrit le 7 août 2004, 56 ans) - 9 février 2020

On est un peu surpris en lisant les premières pages de « Comment s'en mettre plein les poches en Asie mutante » en effet aussi étonnant que cela puisse paraître ce livre prétend être un manuel de «développement personnel», mais la surprise passée le lecteur découvrira très vite qu’il ne s'agit, ni plus, ni moins que d'un roman! D’ailleurs c’est un roman sur un thème on ne peut plus classique, puisqu’il nous conte l’ascension, la grandeur et la chute d’un jeune homme issu d’une famille très pauvre de paysans et qui va devenir un magnat de l’industrie de l’eau en bouteille.

Que dire de plus? Au début du livre nous faisons la connaissance du héros, benjamin d’une famille très pauvre de la campagne. Suite à une grave maladie qui a failli le tuer, son père décide de l’amener (ainsi que le reste de sa famille…), à la ville pour parfaire son éducation. Il va faire des études, rencontrer l’amour en la personne de «la jolie fille», qu’il aimera toute sa vie… Entamer des études universitaires, flirter avec la politique et les mouvements religieux extrémistes, se frotter aux pires maux de la mondialisation, faire un mariage de raison sans amour et avec une femme beaucoup plus jeune que lui, faire fortune en devenant un chevalier d’industrie… Pour finalement tout perdre en se faisant tout voler par son bras droit…
Voilà, en quelques lignes, quatre-vingts années de la vie d’un homme, ni méchant, ni gentil, juste un homme qui pourrait être vous ou… Moi !

Toutefois, je dois aussi dire que je me suis maintes fois demandé, si toute l’histoire que je viens de décrire ne servait finalement pas que de «faire-valoir» à ce qui serait la vraie histoire de ce livre, à savoir: l’histoire d’amour entre notre héros et «la jolie fille». En effet, comme une sorte de fil rouge présent tout au long du roman, cette histoire d’amour de toute une vie, cette histoire d’amour à distance, sans possession (l’un «n’appartenant » jamais vraiment à l’autre), et qui finissent par se retrouver à la toute fin de leur vie, est, pour moi, le vrai centre de ce roman!

Le livre est aussi une dénonciation sans concession des terribles «maux» qui rongent certains pays d’Asie. On y retrouvera bien sûr, sans surprise, la corruption généralisée à tous les étages et à tous les niveaux (notamment en politique, mais cela n’étonnera personne…), la pollution, le manque de services publics, mêmes les plus élémentaires (eau, électricité…), la criminalité endémique, l’urbanisation incontrôlée et incontrôlable, le fossé impossible à combler entre ceux qui possèdent tout et ceux qui n’ont rien…

Si le roman est sur un sujet «Classique», le procédé narratif utilisé par Moshin HAMID est encore une fois des plus original. Notamment en employant le «tu» dès la première page, ce qui permet de s’adresser directement au lecteur. Ce procédé est d’ailleurs accentué par le fait que l’auteur ne nous révélera jamais le nom du personnage principal, ni même du principal personnage secondaire, puisqu’elle nous sera présentée durant tout le livre comme «la jolie fille». Autre curiosité, si l’on devine aisément que toute l’histoire se passe au Pakistan (pays de naissance de Moshin HAMID), et plus particulièrement à Islamabad sa capitale, et que la « grande ville au bord de la mer » où vit «la jolie fille» n’est autre que Karachi, jamais l’auteur ne nous le dira directement!

Je m’en voudrais de finir cette recension sans dire un mot de la très belle écriture de Moshin HAMID, toute en légèreté, en finesse, en humour, en souplesse. Jamais on ne s’ennuie, on rit même beaucoup, sur un sujet qui pourtant ne s’y prête vraiment pas!

Encore une fois, comme pour «L'intégriste malgré lui» (ici sur CL : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/57257), je finis ébahi par la beauté et l’écriture de Moshin HAMID. Aucun doute à avoir, je vais suivre le reste de sa carrière romanesque de très près!

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