En avant vers le passé

Une fois j’ai été con… Bon, enfin, j’ai été con bien plus d’une fois mais sur ce coup-là, rétrospectivement, j’ai été très, très con. Et généreux. Si, on peut ! J’ai voulu grandir… Je situe ça vers 95. A 22 ans, vous me direz, il est temps de grandir. Alors, j’ai voulu mettre un grand coup de chiffon sur la poussière de mon enfance. Putain, c’est beau ça, je me kiffe. Du coup, j’ai mis tous mes jouets dans des grands sacs et direction Emmaüs ou une quelconque association de collecte pour les plus démunis. Je me souviens du poids des Transformers dans le sac. A l’époque, ils étaient en métal, pas en plastoc. Fait pour durer. Il me semble que mes Maîtres de l’Univers avaient déjà disparu je ne sais où. Les Lego, passés aux plus jeunes de la fratrie. Mon Amstrad CPC 464, celui avec le lecteur cassette, ou K7 comme on écrivait alors, boosté avec le lecteur de disquettes, ou D7…, acheté plus tard par maman, filé à un cousin que je ne vois plus. GI Joe, Big Jim et les autres, out. Tous en excellent état. J’étais maniaque, je le suis toujours. Mon plaisir, les sortir de leurs boîtes, les installer dans un décor et regarder. Sans toucher. C’est tout. Nombreuses sont les plantes dont les pots ont vu les aventures de mes soldats de fer. Mes Lego, c’était Sim City avec 20 ans d’avance.
Résultat des courses : j’ai donné un paquet de fric, ce genre de jouets étant devenu un hobby très rentable. Et mes enfants ne sauront jamais à quoi ressemblaient mes jouets.
Peut-être que Thomas Strang a mis la main dessus mais c’est peu probable. Dans ce roman génial et inclassable, Thomas, Tom de son petit nom, est un toyhunter. Un bon. Un connu qui ne jure que par le jouet mint in box, c’est-à-dire pas sorti de la boîte. Sous blister. A l’état neuf voire carrément sorti d’usine sans être passé par le magasin. Et il est prêt à vider son compte épargne pour sa dose de rêve. Quand il va sur le Net, c’est pas pour le porno, c’est pour les sites d’enchères ! Tom Strang, sa quarantaine, son job de journaliste, est un enfant qui n’arrive pas à remplir sa vie d’adulte. Un doux dingue un peu no life ou un geek dangereux prêt à tout sacrifier pour un collector. A vous de voir.
Un jour, il tombe sur un robot dont il n’a jamais entendu parler. Après quelques renseignements, il est en possession d’une sorte de Graal du genre. Une édition quasi confidentielle tirée d’une série télé qui n’a jamais été diffusée en entier. Et s’il trouve les 2 autres, il peut les assembler en une sorte de super robot doté d’une fonction très spéciale…
Très clairement, ce roman mélange les genres. On peut y voir du roman d’apprentissage, mais qui commencerait à 40 ans, du fantastique, du sentimental introspectif… Certes, on peut lui reprocher un côté « niche » car je ne suis pas sûr que quelqu’un d’une autre génération ou qui ne partage pas le goût de la collection de figurines puisse y trouver son compte, du moins sur la 1ère moitié du roman. La seconde partie change d’axe, remue les souvenirs quand la première représentait une fuite en avant.
Le roman est également entrecoupé d’articles écrits par Tom sur ses figurines. Ça sent le vécu. Ça sent le passionné, ça sent l’auteur à peine caché derrière son personnage. Ce découpage rappelle un peu American Psycho, dans lequel le héros intervenait sous forme de critiques musicales entre les chapitres de l’histoire proprement dite.
On peut sûrement trouver une morale à ce roman, du genre carpe diem ou « garder l’enfant en soi », ce genre de banalité qui résonne comme un titre d’article de magazine de psychologie grand public. Je dirais que si la nostalgie c’est le plaisir d’être triste, j’ai pris beaucoup de plaisir même si, me concernant, les années de collège ont été une épreuve.
Je pense à une autre fois où j’ai été con : quand je n’ai pas écrit ce bouquin.
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  Collector

  de Bonnard, Olivier
  Actes Sud
  ISBN : 9782330064273 ; 21,80 € ; 02/06/2016 ; 320 p. ; Broché

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