Buck - La Nuit des trolls
de Adrien Demont

critiqué par Blue Boy, le 17 juillet 2016
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Demont et merveilles nordiques
Il y a longtemps, Buck fut frappé par la foudre dans sa niche. N’osant plus la quitter depuis, il traîne désormais sa drôle de silhouette à travers les forêts norvégiennes … Un jour, il rencontre un couple de fondeurs de cloches. Ceux-ci sont désespérés depuis qu’ils ont découvert dans le landau de leur fille une horrible petite trolle. Ils reprendront espoir lorsque Buck acceptera de ramener l’enfant monstre d’où il vient et de retrouver leur progéniture.

Doté d’une jolie couverture avec effet de relief, où les motifs en impression « bois » semblent se détacher du fond vernis, cette bande dessinée est une très belle surprise des Editions Soleil. L’auteur Adrien Démont s’est inspiré des légendes scandinaves pour produire un conte envoûtant, où l’onirisme côtoie le bizarre, un conte champêtre puisant au plus profond de nos peurs enfantines les plus délicieuses, de celles qui peuplent nos cauchemars et gardent tout leur mystère. Tout comme ces trolls, qui ne pouvaient naître que dans la longue nuit nordique. Des géants irréels, indistincts et fantomatiques, plus inquiétants que véritablement menaçants. Car l’auteur s’est efforcé de les rendre plus humains, ces affreux trolls. Et il faut reconnaître que la petite trolle elle-même, toute griffue et poilue soit-elle, deviendrait presque drôle voire attachante.

Dans des couleurs à dominante marron, le dessin, superbe, dégage une atmosphère ténébreuse mais paradoxalement très chaleureuse, invitant le lecteur à se calfeutrer dans ces grands chalets norvégiens perdus dans la forêt austère et la nuit glacée.

Le récit quant à lui possède la démarche cahotante de son étrange chien « enniché », il grince, patine et trébuche régulièrement. Les amateurs d’histoires spectaculaires et rythmées risquent fort d’être déconcertés, mais pour peu que l’on mette entre parenthèses son esprit logique, on peut succomber facilement au charme lié à cette ambiance insolite qui sort des sentiers battus. Au final, Adrien Demont nous propose une rencontre inattendue entre deux mondes opposés : celui de la lumière représentée par la religion chrétienne, rassurante pour les habitants de ces contrées mais d’où paradoxalement tout mystère a disparu, et celui des ténèbres où s’épanouissent les trolls, au fond pas si méchants, presque un peu patauds (même s’il ne faut pas trop les énerver). Car l’auteur, lui, a préféré apprivoiser ces monstres plutôt que de les diaboliser, des monstres indissociables du monde nocturne et de sa magie.

Voilà un conte qui devrait faire le bonheur de vos chères têtes, blondes ou pas. Et confidence pour confidence, pour l’adulte que je suis, c’est typiquement l’ouvrage que j’aurais adoré conserver de mes premières années. D’ailleurs pour tout dire, j’entends bien le conserver sur mes étagères.