Justice
de Michael J. Sandel

critiqué par Colen8, le 9 juillet 2016
( - 82 ans)


La note:  étoiles
S’enrichir oui, sans omettre de se grandir par l’honneur et par la vertu
C’est une approche limpide illustrée de nombreux exemples traitant du quotidien aussi bien que de questions de société. Ni le droit, ni les lois, ni les contrats ne définissent à priori une justice, ce serait plutôt l’inverse. On est loin de se douter que l’idée même de justice puisse s’exprimer dans des cadres de pensée aussi profonds, complexes et parfois opposés les uns aux autres. Ainsi selon les cas ses fondements seront l’utilité, la liberté, l’égalité, la morale, la vertu civique. L’utilitarisme théorisé par l’anglais Jeremy Bentham considère que les valeurs des biens ou des personnes sont mesurables à l’aune du plaisir et du bien-être au moyen d’un étalon commun. Par conséquent on a le droit, il est juste de s'offrir ce que l’on veut si on en a les moyens sans se préoccuper des inégalités. Le libertarisme défendu notamment par Robert Nozick dans les années 70’s est cher aux conservateurs américains adeptes de l’Etat minimal. Faisant primer les droits individuels dont la propriété de soi-même sur toute forme de devoirs, le libertarisme s’oppose à fixer par exemple des limites aux rémunérations exorbitantes apparues depuis plusieurs décennies chez les traders, les patrons d’entreprises, les vedettes du sport et du show-biz. Sa variante égalitariste axée sur le consentement a été définie à peu près en même temps par John Rawls.
Ce best-seller de philosophie politique récemment traduit décrypte la conception anglo-saxonne très prosaïque de la justice qui prévaut actuellement chez les conservateurs. C’est celle qui a inspiré ces dernières années une partie des directives de Bruxelles responsables de faire descendre dans la rue les peuples restés attachés au modèle social européen de l’Etat Providence. Proche des exigences morales de la philosophie kantienne, qui a permis l’apparition de ce modèle en Allemagne dès la fin du XIXe siècle, Michael Sandel se pose en défenseur du bien commun. Une prise en compte de valeurs plus qualitatives devrait guider la politique pour l’avènement d’une société juste. Celles-ci se nomment honneur, responsabilité, solidarité, tolérance, respect, dignité.