Trente-deux poèmes d'amour
de Paul Reboux

critiqué par Alceste, le 21 juin 2016
(Liège - 62 ans)


La note:  étoiles
Beauté pythagorique
Paul Reboux, connu pour ses désopilants pastiches littéraires, en collaboration avec Charles Müller, s’est glissé cette fois dans la peau d’une femme amoureuse. Et c’est bien de peau qu’il s’agit, tant la sensibilité féminine est célébrée dans toute sa liberté et sa spécificité. Une vraie prouesse de la part d’un homme, et nous sommes en 1934.

C’est donc d’un point de vue féminin que ces trente-deux poèmes saisiront trente-deux moments de la vie intime d’un couple, depuis la rencontre jusqu’à un épilogue qui n’a rien de dramatique.

Mais ces poèmes offrent une double surprise, d’abord d’être écrits en prose, une prose certes ciselée comme de l’orfèvrerie ; puis, de comporter chacun quatre paragraphes ni plus ni moins, comme les quatre strophes d’un sonnet, la forme poétique la plus dense et la plus exigeante. 32 étant un multiple de 4 (2X4X4), il en résulte, alliée au charme sensuel des mots, une sorte de beauté pythagorique qui atténue ce que la démarche aurait d’un peu mièvre.

Un exemple pour mieux comprendre.

« Violoncelle

Nous sommes étendus côte à côte. L’une de tes mains impose à ma nuque un martèlement léger, et l’autre va de mes reins à mes épaules, si furtive qu’elle me touche à peine. Je frissonne de la deviner plus que de la sentir.

Bientôt un prélude se compose. En haut, tes doigts s’appuient ainsi qu’à l’ébène d’un violoncelle, tandis que, plus bas, je me tends comme vibre une corde sous un archet. Je m’abandonne. Ton caprice inspiré joue de moi.

D’abord, je me laisse bercer par une béatitude mélodieuse. Puis une cadence plus vive m’anime jusqu’à l’heure où ta virtuosité me ravit, dans l’accord final, toute conscience de moi-même.

Alors je reste là, inerte et bienheureuse. Tes caresses ont pris fin. Mais longtemps après qu’elles se sont tues, j’en demeure toute sonore ».

Une très belle découverte.