Le chant de la Tamassee
de Ron Rash

critiqué par Monocle, le 19 juin 2016
(tournai - 64 ans)


La note:  étoiles
Un passage vers l'autre monde.
Wolf Cliff est un lieu où la nature s'est donné un mal fou pour que les humains se sentent insignifiants. La falaise elle-même, c'est soixante mètres de granite qui dominent la gorge. Une fissure balafre sa face grise tel un fragment d'éclair noir incrusté là. La rivière, la Tamassee, se resserre et devient plus profonde. Même l'eau qui paraît calme y est rapide et dangereuse. Au milieu de la rivière, cinquante mètres au-dessus de la chute, un hêtre aussi gros qu'un poteau téléphonique repose comme un ponceau en équilibre sur deux rochers de la hauteur d'une meule de foin. Une crue de printemps l'avait déposé là douze ans plus tôt.
La chute elle-même coule entre deux blocs espacés de deux mètres cinquante seulement, et se déverse dans un bassin assez vaste et profond pour engloutir une caravane double essieu. Le rocher de gauche s'avance sur l'eau. C'est un plongeoir parfait, sauf qu'à cet endroit un contre-courant crée un ressaut hydraulique, et derrière une cavité profonde.
Le ressaut hydraulique est un piège qui attire tout corps vers le fond, la cavité sous la chute est un cercueil parfait pour tout qui s'est laissé prendre.
C'est à cet endroit précis qu'une fillette de douze ans exécute un plongeon devant ses parents. Le pique-nique se termine donc en drame. Et le corps englouti que la rivière conserve jalousement comme un trophée deviendra l'enjeu d'un show à l'américaine.


Ecrit en 2004, Le chant de la Tamassee serait le premier roman de Ron Rash. Traduit en version francophone seulement en 2016, il doit probablement cet honneur au succès de Un pied au paradis, Le monde à l'endroit et Une terre d'ombre. Trois livres exceptionnels qui démontrent avec brio la vitalité de la littérature américaine.
Le seul reproche que je puisse faire c'est le démarrage hésitant des cinquante premières pages. Et puis... l'auteur nous happe avec des descriptions poétiques ajustées et une histoire vraiment bien ficelée.
232 pages de tristesse non-stop.