Objets de guérison
de Jacques Lazure

critiqué par Libris québécis, le 8 juin 2016
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Mourir dans l'indifférence d'autrui
À travers ses œuvres destinées au lectorat adulte, Jacques Lazure explore la thématique de notre finitude. Ce qui le préoccupe le plus, c'est le silence dans lequel nous enveloppons notre fin dernière. L'héroïne de son roman le Jardin froissé a caché sa mort prochaine à son mari, et le musicien des Oiseaux déguisés meurt inconscient sans que nous sachions ce qui lui est arrivé. L'auteur tente de percer cette énigme dans laquelle baigne la mort. Voulons-nous disparaître dans l'anonymat pour ne pas brouiller l'individualisme de notre entourage? Au Québec, si nous nous arrêtons au rituel funéraire d'aujourd'hui, nous devrions répondre à la question par l'affirmative.

Plusieurs des personnages de ce recueil disparaissent sans crier gare. L'une meurt, perdue dans le désert, l'autre noyée dans le fleuve Saint-Laurent. Il ne reste d'elles que des fétiches à l'origine de leurs maux. Un sac à main bleu, une bague qui créent une atmosphère fantastique à travers laquelle espère-t-on rester vivant malgré tout aux yeux d'autrui. En somme, ce sont des âmes obsédées qui s'envolent. Certaines tiennent le coup un certain temps grâce à leurs manies névrotiques comme cette femme qui habite un cabanon dans le fond de la cour. Tous se détruisent sous les yeux d'un entourage qui souffre de cécité psychologique. Objets de guérison parcourt les failles susceptibles de causer notre effondrement. Existe-t-il un correctif pour éviter la catastrophe? Certes oui, mais son efficacité est loin d'être garantie. Chez certains, les mots peuvent opérer un plus ou moins prompt rétablissement, comme pour cette fillette qui veut se faire lire l'œuvre de son écrivain préféré. À travers cette nouvelle, l'auteur s'interroge sur sa capacité de rétablir l'équilibre perdu. Il ne se fait pas d'illusions sur ce rôle salvateur. Nul n'est prophète au pays du rêve, dirait Émile Nelligan.

Avec une plume simple, efficace, mais directive, Jacques Lazure trace le portrait de ceux qui se sont égarés sur « l'océan trompeur » de la vie. Avec sa nouvelle du garçon qui a perdu son chat, il parvient à nous conscientiser au sort de l'humanité.