Frédéric II
de Sylvain Gouguenheim

critiqué par Colen8, le 28 mai 2016
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Un grand empire romain germanique médiéval
Se désignant comme empereur d’Allemagne (avec le titre de roi des Romains), roi de Sicile et roi de Jérusalem, Frédéric II (Hohenstaufen) est petit-fils et fils de deux empereurs, Frédéric Barberousse et Henri VI dans une monarchie de nature élective. Le décès prématuré de son père lui impose une régence agitée. Son ambition de recevoir la couronne impériale a bénéficié de la défaite de son rival Otton IV à Bouvines contre le roi de France Philippe Auguste. Soucieux de restaurer la puissance de l’empire autant par la force que sur le plan des symboles il n’a eu de cesse de soumettre ceux de ses vassaux cherchant à échapper à sa domination, à préserver leurs privilèges, leur liberté ou leur statut d’indépendance : les princes, les évêques et les villes. Descendant direct des rois normands de Sicile par sa mère il en était l’héritier légitime. Par mariage il s’était arrogé le titre de roi de Jérusalem devant revenir à son jeune fils Conrad dont il était le régent. Affirmant la primauté du pouvoir temporel sur le spirituel il a affronté jusqu’à l’excommunication plusieurs papes successifs dont les états se trouvaient comme pris en tenaille entre le sud de l’Italie et les provinces germaniques. Parti en croisade pour recouvrer l’accès aux lieux saints de Jérusalem il a eu l’habileté de négocier sans combattre avec l’émir d’Egypte un traité assorti d’espèces trébuchantes.
Frédéric II est présenté comme une grande figure du Moyen Âge au faîte de sa puissance sous le règne de Louis IX dont il a eu garde de se ménager l’appui et l’amitié. En politique, on lui reconnait d’avoir tenté de mettre sur pied une administration fondée sur la justice et le droit, définie par une sorte de constitution le « Liber augustalis », sans se priver simultanément d’exercer selon les cas sa clémence comme la plus grande violence et les pires cruautés. Ami des lettres s’exerçant à la poésie, curieux des mathématiques et des sciences, architecte et bâtisseur dans l’âme, soucieux de l’hygiène et de la santé de ses sujets il a joué sur la grandeur de la fonction impériale au sein d’une cour dont le prestige était unanimement reconnu. Son empire ne lui a pas survécu en raison de l’élimination rapide de ses descendants par la papauté. Des légendes à son sujet ont fleuri ensuite pendant des siècles, portées par des imposteurs. L’absence d’historiographie pendant son règne, la difficulté à établir une biographie précise notamment de son enfance à Palerme, les rumeurs véhiculées contre lui par les papes et leurs partisans, les rêves de paix durable des peuples en sont la cause.
Le livre est une plongée au cœur des tumultes d’une période parmi d’autres qui tentait de reconstituer un empire occidental à vocation universelle. Après Rome, il y avait eu l’éclatement de l’héritage carolingien au IXe siècle, plus tard l’avènement de Charles-Quint de Habsbourg. C’est une lecture souvent rendue aride par une profusion, normale dans un ouvrage historique, de personnages et de détails, qui n’empêche pas d’y voir comme une sorte de continuité dans l’histoire mouvementée de l’Europe…
NB : Un précédent livre de Sylvain Gouguenheim, « Aristote au mont Saint-Michel » ayant été fortement contesté par des pairs, il en est ressorti quelques années après la polémique une proposition d’accentuer en France la recherche universitaire médiéviste, toutes choses que nous autres lecteurs lambda ne sommes pas en mesure d’arbitrer. L’auteur, agrégé d’histoire, médiéviste reconnu, auteur de plusieurs livres sur l’espace germanique enseigne à l’ENS Lyon.