Marcel Carné ciné-reporter (1929-1934)
de Marcel Carné

critiqué par Agnesfl, le 12 mai 2016
(Paris - 59 ans)


La note:  étoiles
Une nouvelle facette de Marcel Carné
Marcel Carné
Ciné-Reporter (1929-1934)


Il en connaît un rayon sur le cinéma ce jeune journaliste de 23 ans dont Philippe Morisson a réuni les textes écrits de 1929 à 1934. Il s'agit étonnamment de Marcel Carné né en 1906 le célèbre cinéaste à qui l'on doit notamment " Les enfants du paradis", " Hôtel du Nord", " Les tricheurs"… Tous ces articles ont été écrits avec qu'il ne rencontre Jacques Prévert..
Dans cet ouvrage, on découvre un jeune homme dont la plume est vive, variée, et pleine de références cinématographiques. " Le môme " comme l'appelait Jean Gabin pourfend le cinéma français de l'époque. Il parle même de prime à la médiocrité. En revanche, il dresse un panégyrique du cinéma américain, allemand, et des films soviétiques muets des années 20.. Grand admirateur de Murnau, de Chaplin, de King Vidor, il défend le documentaire, les policiers, la comédie américaine " La comédie américaine coule en vous claire et limpide, sans longueurs ni obscurité, modèle du film parfaitement équilibré, elle donne une impression de vie, de fraîcheur et de jeunesse qu'on chercherait vainement dans la plupart des comédies que réalise notre vieille Europe".
Evoquant le cinéma sous tous ses aspects, il parle de la naissance du cinéma parlant, et de la différence avec le cinéma muet sur le plan technique. Il voit en lui un bienfait pour le cinéma français. Et un moyen de " repartir sur des données plus saines, et de débarrasser le cinéma des inutilités qui jusqu'ici le paralysèrent"… Fervent admirateur de films comme " L'ange bleu", "Marius", il s'intéresse aussi aux salles de cinéma, parle de l'ouvreuse qui n'existe plus. Il encense les salles de quartier grâce auxquelles il a découvert le cinéma lorsqu'il était gamin : " Qui n'a pas vu une salle de quartier un samedi soir n'a rien vu".
Eprouvant adolescent le besoin vital de voir des films, encore des films, toujours plus de films, il ne cesse de louer également les salles spécialisées, les ciné-clubs dont il a connu l'apogée à cette époque avec leur renaissance après guerre. Chroniqueur de nombreux films, il écrit des articles sur la querelle théâtre-film parlant. Il admet qu'une collaboration entre les deux est souhaitable, mais à la condition que les hommes de théâtre ne cherchent pas à empiéter sur le domaine du réalisateur cinématographique. Il a d'ailleurs très peur du théâtre filmé.. Très critique vis à vis de la censure, il considère le cinéma comme un art qui se répand partout : " " Son rayonnement s'étend maintenant qu'on le veuille ou non à tous les domaines : peinture, musique, théâtre, roman. A ces divers arts, il a insufflé un sang nouveau, riche et fort"…
Dans cet ouvrage, se devinent les effets que pouvaient faire naître les films engagés d'un côté ou d'un autre. . . Assistant de René clair en 1930 et de Jacques Feyder en 1928 et de 1933 à 1935, Marcel Carné avouera en 1979 que son premier jour au studio lors du film "Les nouveaux messieurs" de Jacques Feyder le 3 juillet 1928 a été le jour le plus exaltant de sa vie, celui où il a été le plus complètement heureux. Faisant l'éloge de ce cinéaste, il dit combien il lui est reconnaissant : " C'est à lui que je dois d'être ce que je suis devenu. Autant dire que je lui dois tout : gloire, honneurs, profits. Et plus encore peut-être : la joie merveilleuse d'exercer un métier exaltant, sans lequel, l'existence perdrait une partie de son éclat"…
Dans ces critiques, le sens du détail se laisse entrevoir, et les sujets abordés sont variés. Marcel Carné apparaît aussi parfois drôle et satirique. On se rend compte de son amour profond du cinéma dès sa plus tendre enfance, et l'on comprend mieux pourquoi il est devenu ce si grand metteur en scène. Bravo à Philippe Morisson pour cette initiative qui nous permet de découvrir de nouvelles facettes de cet homme profondément attachant et brillant…
Agnès Figueras-Lenattier
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