La Concurrence: Une idée toujours neuve en France et en Europe
de Olivier Fréget

critiqué par Colen8, le 12 mars 2016
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Plaidoyer captivant en faveur de l’espace européen
L’espace européen est pris au sens d’état d’esprit hérité de l’histoire, à travers les successions de la pensée grecque, du christianisme, des Lumières, par conséquent de valeurs communes prêtes à se diffuser sans modération au-delà de toute barrière ou frontière. Penser la concurrence comme la loi des forts pour aboutir à la domination des faibles est une vision déformée du progrès éthique et social apparu au fil des siècles. Le droit a été institué comme outil de civilisation, protection contre la violence de cette loi des forts, garantie d’un juste équilibre entre égoïsme individualiste, et collectivisme totalitaire. La concurrence loin de l’ultralibéralisme s’appuie sur l’idée d’ouverture, d’égalité des accès et des chances, de « concurrence libre et non faussée » donnant toute sa place aussi au mérite. En matière sociale elle protège contre les privilèges et les corporatismes, s’oppose aux « plafonds de verre » protégeant certaines classes s’octroyant toutes sortes de rentes ou de droits spéciaux. En politique elle défend la démocratie contre les tentatives hégémoniques des extrêmes à gauche comme à droite sans rejeter non plus les formes supra-nationales.
En économie elle s’exerce sur un milieu dynamique, le marché, évolutif par définition, dans le but de favoriser l’innovation, la prise de risque des entrepreneurs, d’éviter les monopoles dans la durée ainsi que l’appropriation indue de ressources rares. A ce titre elle est subordonnée à la doctrine de l’ordo-libéralisme tel qu’il a été théorisé entre les deux guerres par les penseurs et les économistes allemands opposés au nazisme, puis mis en application à Bonn après 1948. L’ordo-libéralisme qui s’oppose au laissez-faire, qui a été partagé par une (très petite) partie des gouvernants français, a été le cœur et le moteur de la construction européenne des années 50’s avec la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) jusqu’à la signature du traité de Rome en 1957.
On a entre les mains un traité lumineux d’économie politique sur un sujet à priori aride s’il n’était à la fois argumenté, pédagogique, cohérent et illustré de cas réels compréhensibles pour tous. Sans rien omettre de la complexité du sujet, il montre comment sous l’égide de la Commission de Bruxelles s’est constitué le droit européen de la concurrence autour de deux grands principes : interdiction des ententes, des cartels, des monopoles, et condamnation de l’abus de position dominante. Avec en ligne de mire l’intérêt des consommateurs, la liberté, la démocratie, il défend un droit de la concurrence contre les archaïsmes préférant les protections et les barrières aux talents et à la créativité. Une dérive dans cette construction qui s’est introduite au tournant des années 2000 en a fait perdre de vue les bénéfices. Malgré tout la voie tracée reste ouverte, porteuse en soi d’espoir et d’optimisme pour maintenir l’équilibre entre les diversités irréductibles des nations de l’Union Européenne.