Toujours plus à l'Est de Benjamin Pelletier

Toujours plus à l'Est de Benjamin Pelletier

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 2 mars 2016 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 7 étoiles
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Une année en Corée

Benjamin Pelletier a passé un an à enseigner le français à l’Alliance française à Séoul, c’est apparemment cette expérience qu’il raconte dans cet ouvrage et en tout premier lieu sa découverte de la ville. « Le visage de Séoul ne se livre pas facilement », d’innombrables tours identiques et laides, construites pour différents usages, habitations, commerces, bureaux, bars, restaurants, salles de billard, … dégoulinantes de lumière, occultent le paysage. Les rues envahies de grosses voitures pompeuses et de passants pressés renforcent cette impression et semblent valider l’image que les Occidentaux se font de ce pays neuf, émergeant, renaissant après de multiples guerres qui ont laissé des stigmates profonds dans la population. Mais il faut se méfier des premières impressions, savoir être patient, s’aventurer ailleurs, dans l’autre partie de la ville, celle qui est encore très marquée par l’ancienne Corée pour connaître la cité sous ses deux faces. Deux faces totalement opposées, « Ce contraste est aussi saisissant que si en plein quartier de la Défense se rencontraient la cahute d’un rebouteux et l’atelier d’un forgeron ».

Une fois la ville apprivoisée, quand l’auteur s’est habitué à son quartier de petites gens, loin de la cité envahie par les lignes droites, verticales et horizontales, il va à la rencontre des gens qui l’accueillent chaleureusement sauf quand ils le confondent avec un Américain qui leur rappelle la dernière guerre qui a meurtri leur pays. Pour rencontrer les gens et échanger avec eux, il faut posséder au moins quelques mots et c’est une tâche ardue pour l’auteur qui, loin des méthodes rationnelles, découvre la langue avec les gens simples de son quartier qui lui enseignent l’origine de cette langue simplifiée au XV° siècle qui ne sera adoptée définitivement qu’au XX° siècle. Les mots et la nourriture, les deux vecteurs essentiels de l’intégration dans une communauté et les mots, comme le maniement des baguettes, ça s’apprend.

Visiter la Corée, c’est obligatoirement s’interroger sur la partition de la presqu’Ile en deux parties tellement différentes, totalement opposées. Benjamin a fait le pèlerinage, avec un groupe de touristes autochtones, il est monté au sommet de la montagne d’où l’on peut avoir la meilleure vue sur la Corée du Nord et il a été fort surpris de constater que les habitants du sud n’éprouvent aucune émotion, aucune compassion, aucune haine, seulement une indifférence palpable, à l’endroit de leurs frères du nord. Alors, brusquement, je comprends mieux ce que je viens de lire dans la postface du livre de Bandi, « La dénonciation », racontant dans sept nouvelles la misère des Coréens du Nord, écrasés, torturés, humiliés, affamés,… par un régime en pleine folie. Ce texte a été passé en Corée du Sud, au péril de nombreuses vies, où il a été édité dans une quasi indifférence, la même que celle que Benjamin Pelletier a ressentie après avoir visité le point de vue sur la Corée du Nord. « Un coréen dira avec une humeur égale : Aujourd’hui, je suis allé voir la Corée du Nord et j’ai mangé des pastèques, tout comme il dirait : je suis allé au supermarché et j’ai acheté des nouilles ».

Avant de revenir au pays, l’auteur nous propose un voyage touristique, culturel et historique dans la province coréenne. Outre les descriptions des paysages et des villes, il nous livre des réflexions personnelles, des faits historiques, des éléments de culture, des légendes, des traditions qui ne sont jamais arrivés jusqu’aux rives de l’Europe. Benjamin me semblait très enthousiaste à son arrivée à Séoul, il était heureux de découvrir une langue nouvelle, de rencontrer des gens accueillants, nourris d’une autre culture, de découvrir une autre façon de vivre et surtout de se nourrir. A son retour à Séoul, après son périple touristique, on à l’impression que le ressort est cassé, il n’a rien retrouvé dans son quartier, la grand-mère de l’immeuble est décédée, le petit bistrot traditionnel a été rasé, les tours envahissent le quartier… l’enthousiasme est passé, le retour au pays s’impose. Mais il repartira riche d’une belle expérience, ayant compris qu’ici ou ailleurs, il sera toujours lui-même avec ses forces et ses faiblesses et que l’humanité bute toujours sur les mêmes problèmes où que ce soit sur la planète. Un bon témoignage sur la vie en Corée en 2015 et une pensée gravée par les Chinois en 1431 qui devrait nous faire réfléchir : « Traiter avec douceur les gens lointains ».

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