J'aime un condamné à perpétuité américain
de Julia Bailey

critiqué par Le rat des champs, le 25 février 2016
( - 73 ans)


La note:  étoiles
En direct du goulag américain
Des gens qui ont un idéal il y en a beaucoup, mais ceux qui y consacrent leur temps, leur énergie et leur vie au fil des années sont beaucoup plus rares. J'ai de l'admiration pour le combat de Julia, qui depuis son enfance est horrifiée par la peine de mort et qui a choisi de devenir visiteuse bénévole de prison pendant ses congés. Dans sa volonté de soulager les plus profondes des misères humaines, elle aurait pu aller à la rencontre des condamnés à mort des pires dictatures de la planète, par exemple en Chine, en Iran ou en Arabie saoudite, où on exécute à la chaîne des gens qui gênent, parfois sans avoir la moindre preuve de leur culpabilité, mais elle a préféré concentrer son immense énergie au soutien des pensionnaires des couloirs de la mort du Texas ou de l'Oklahoma.

Avec une très grande pudeur et sans jamais se mettre en avant, elle relate tout simplement ses rencontres avec des condamnés à mort américains, parfois coupables, parfois innocents, puisque la police fait preuve d'une négligence et d'une incompétence effarantes dans ce pays imprégné de la loi de Lynch. Au Texas, on ne pend plus les présumés voleurs de chevaux en public au premier arbre venu, on les met en prison, parfois pendant de très longues années, avant de les assassiner au nom de la civilisation.

Ce principe de double peine, emprisonnement de longue durée et exécution capitale est contraire aux droits de l'homme, mais qui s'en soucie là-bas? Le peuple veut du sang et il en reçoit. Ça lui plait et c'est pourquoi il vote toujours pour un gouverneur qui autorise un maximum d'exécutions.

Le combat de Julia l'a profondément changée, on n'assiste pas sans séquelles à ce qu'on appelle pudiquement une exécution capitale mais qui devrait s'appeler meurtre d’État. Pour celui qui veut apprendre sur le goulag américain, savoir comment et pourquoi certains humains dont tout le monde sait qu'ils sont innocents sont quand même assassinés par le Texas ou l'Oklahoma, la lecture du livre de Julia est incontournable.

Et puis, il y a Tyree.

Tyree qui est condamné à perpétuité et enfermé pour un viol qu'il n'a pas commis. Toutes les preuves de son innocence ont été réunies, y compris les aveux de mensonge et de parjure enregistrés et signés par celle qui l'accusait. Dans n'importe quel pays civilisé, Tyree serait libéré immédiatement, avec les excuses du tribunal et une forte indemnité pour lui permettre de se reconstruire, mais voilà on parle du Sud des Etats Unis ici, et pas de la civilisation.

La rencontre de Tyree a bouleversé la vie de Julia. Elle, la fière, la battante, l'énergique, fond comme une midinette devant cet homme qu'elle perçoit au plus profond d'elle comme son âme-sœur. Oserais-je le dire? J'en suis très heureux pour elle, elle le mérite, mais elle et Tyree mériteraient eux aussi de pouvoir vivre en paix et en liberté. En attendant ce jour improbable, la force de Julia, celle qu'elle a accumulée en elle au fil de toutes ces rencontres durant tant d'années, lui sera nécessaire.

En un mot comme un cent, ce livre bouleversant doit être lu impérativement par celui qui veut s'informer sur la peine de mort aux Etats Unis.