Trashed
de Derf Backderf

critiqué par Blue Boy, le 20 février 2016
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Voyage dans nos poubelles...
Avec « Trashed », Derf Backderf signe un récit inspiré de son expérience d’éboueur, un job qu’il a occupé pendant un an à la fin des années 70. Une plongée édifiante dans la grande poubelle de l’Amérique.

Oscillant entre le récit semi-autobiographique et le documentaire, l’auteur de « Mon ami Dahmer » évoque ici son expérience de « garbage man » par le biais du personnage de J.B. et en l’adaptant à l’époque actuelle. On se délecte une fois encore de son univers particulier, fait d’anecdotes potaches et de ces personnages truculents qu’il affectionne tant. Ici, c’est Magee qui se distingue, beau moustachu au look « Village people », homme excentrique et quelque peu téméraire, le genre qu’on hésite à emmener en soirée… Backderf nous montre aussi combien le métier est pénible et que les conditions de travail y sont peu voire pas du tout respectées. Et quand la météo exécrable s’en mêle, il ne faut pas compter sur la bienveillance de ses supérieurs…

Cela étant, j’ignorais qu’on pouvait trouver autant de choses, dans ces poubelles ! Vieux pianos, cuisinières hors-service, blocs moteur, animaux morts, excréments, et j’en passe… Tout cela donne lieu à des gags cocasses et rafraîchissants. Pourtant, sous les apparences de la comédie joviale, Backderf en profite pour glisser quelques messages bien sentis sur les maux d’un système économique calamiteux (gaspillage, corruption, crise des subprimes…), mais aussi d’une manière générale sur la bêtise crasse (le thème de l’histoire étant bien les détritus). Cette réflexion lucide de J.B. résume pertinemment la fonction peu glorieuse des personnages : « Imagine l’économie comme un immense tube digestif. Et nous on est là, devant le trou du cul du libéralisme. A nettoyer. »

C’est donc une expérience très particulière que nous fait vivre Backderf à travers son généreux trait noir et blanc issu de la famille frondeuse du comics U.S. indépendant. L’auteur américain conclut l’ouvrage par une documentation assez fouillée sur le problème inextricable de nos déchets, qui ne laisse pas vraiment place à l’optimisme. En postface, il revient sur son fameux « ami Dahmer », qui lui-même avait mis dans un sac poubelle le cadavre de sa première victime, après l’avoir découpé en morceaux, et ce peu de temps avant que Backderf ne monte pour la première fois à l’arrière d’un camion poubelle. Et de nous lancer, avec flegme et non sans malice : « Bienvenue dans mon monde. » Tout le plaisir est pour nous, mister Backderf !