Une année douce
de Anne Grauwels

critiqué par Bolcho, le 16 février 2016
(Bruxelles - 75 ans)


La note:  étoiles
Une F (R) ICTION
Sur la couverture du livre, il est écrit « roman ». C'est donc bien une fiction. Ou plutôt, c'est une « fRiction » parce que lieu de contact entre la fiction et le réel. Et la friction, cela provoque de la chaleur. Même, ici, de la chaleur humaine.
Chronique d'une année où l'auteure a joué à « vrai / pas vrai » avec l'Amant (épisodique), l'Ecrivain (avec qui elle fait un bouquin), l'Analyste et un Psy sans chichis.
Alors ? Réalité ou fiction ? Les deux bien sûr. Comme toutes les vies humaines puisqu'elles contiennent du palpable à quoi on ajoute du / des sens.
N'empêche, ici, cela donne un livre, objet réel plein de rêves. Et, comme le dit si bien l'auteure : « Il me reste donc à inventer ce récit, le récit d'une année douce. S'il faut en croire certains, l'écriture, c'est s'asseoir et voir si quelque chose existe sur la page ».
Anne Grauwels nous avait déjà gâté(e)s avec ses « Humeurs judéo-flamandes » (voir la recension sur notre site). On en a là, en quelque sorte, une version toute aussi malicieuse, drôle et sérieuse à la fois, mais plus tournée vers l'intime que vers des sujets d'actualité.
Mais n'oublions pas que l'actualité est faite de l'intime n'est-ce pas...et vice-versa.
Vous aimerez ce nouvel opus de Anne Grauwels, et vous y apprendrez que « La psychanalyse, c'est bien, à condition de ne pas chercher la guérison », que « Sans l'oubli, la vie devient un enfer », que les couples glissent subtilement vers l'échec, et plein d'autres choses qui font partie de votre vécu également.
Et tout ça avec le sourire de ceux et celles qui savent rire d'eux-mêmes.
Rien qu'un exemple. Que pensez-vous de cette note : « Je n'en ai pas connu beaucoup, des hommes qui lisent de la fiction, tout au plus quelques polars, parce que ça détend. Non, quelques exceptions mises à part, il n'y a finalement que les femmes, les éditeurs et les écrivains, pour lire des romans » ?
On fait le décompte sur notre site pour vérifier la chose ?
L'année de tous les possibles 8 étoiles

Cette année 2012 (douze comme douce), l’année (dans année, il y a Anne), pour se remémorer la période, où Di Rupo devient Premier ministre de la Belgique, la narratrice a une suite de rendez-vous avec l’Ecrivain, par ailleurs éditeur, qui lui propose d’écrire un livre en collaboration dans une tentative de réunir en un seul volume deux visions du pays. Cette problématique du morcellement (du pays, de la personne, du nom) parcourt tout le livre.

La narratrice renoue avec l’Amant, réapparu après trois ans d’absence, et se remémore des séances passées chez L’Analyste qui sera, après son décès, prolongé par la figure du Psy sans chichis, contemporain, lui, du récit, et qui en est comme le prolongement sur un mode mineur.

En les particularisant par le fait de la majuscule, la narratrice met de la distance entre eux ; elle s’en joue et s’en rit. On a pu relever le caractère vaudevillesque de la situation même si c’est une façon pour l’auteure de ne pas prendre au sérieux ce qui arrive à sa narratrice. Ces acteurs du récit restent assignés à leur fonction, ou tendent vers une autre mais, dans l’intervalle, ils n’acquièrent pas pour autant le statut de personnage à part entière. En les statufiant, elle les rend à la fois dérisoires et irresponsables : ils ne peuvent pas être tenus pour responsables de leurs actes. C’est ce qui fait le piquant mais peut-être aussi le drame de cette histoire.

L’année douce est pour la narratrice le temps de la réflexion, de l’introspection, un temps fragmenté par ces moments attendus et espacés, ces séances diverses qui rythment le quotidien de cette femme aux activités ordinairement réglementées entre les cours qu’elle donne à l’Université, des chroniques à écrire pour une revue et des amitiés, des affections de femme de son âge et de son milieu. Elle vit toutefois l’existence qu’elle a choisie sans s’en plaindre mais sans avoir renoncé à toute envie de l’ouvrir à de nouvelles perspectives.

Quand l’Écrivain devient un Amoureux, l’Amant gêne d’autant plus qu’il la délaisse autant qu’avant et ne lui laisse pas plus d’espoir sur l’avenir de leur relation. Mais vers la fin de l’année, l’Écrivain glisse vers le statut d’Amant car, pour lui, elle n’aura été qu’une récréation, le temps d’un livre écrit à deux, d’une parenthèse littéraire et charnelle propre à raffermir son ego un moment fragilisé.

Les trois instances de ce récit, l’Amant, l’Analyste et l’Écrivain, vont comme s’unir dans le chef de la narratrice dans le temps où elle décrit la relation de cette année douce pour, on peut le supposer, s’en libérer et engager son existence sur une voie neuve. On peut deviner qu’elle les a suffisamment intégrés, réglés que pour pouvoir s’en détacher et ne plus dépendre de leurs figures par trop masculines pour ne pas dire paternelles. Par ce récit-là, qu’on lit aujourd’hui, elle accède au statut d’écrivaine à part entière.

C’est écrit dans une prose claire, limpide aux phrases courtes, qui, avec détachement, va droit aux faits sans s’encombrer de superflu.

Un livre entêtant, tendre et mélancolique comme une chanson douce.

Kinbote - Jumet - 65 ans - 8 février 2017


Bourré d'humour et de tendresse 8 étoiles

La narratrice raconte avec beaucoup d'humour et de légèreté ses états d'âme durant une année douce (l'année deux mille douze !). On ne sait pas son âge, mais on devine une certaine sagesse, elle dit d'ailleurs être à l'âge ou "l'amour, ou l'absence d'amour, n'occupe plus une place centrale dans la vie".

Durant cette année "douce" elle fréquente un écrivain, avec lequel elle écrit un livre. Dans un même temps, sa vie sentimentale étant en suspens, elle succombe à la tentation de renouer les fils d'une relation avec un ancien amant. Et puis elle consacre une partie de son temps restant avec son analyste, pour comprendre pourquoi elle reste seule. Ces trois personnages, l'Ecrivain, l'Amant et l'Analyste, participent du récit mais sans jamais être nommés, cette mise à distance permettant une savoureuse auto-observation des relations humaines et de la naissance de sentiments amoureux. Une mise à distance probablement liée aussi à l'âge de la narratrice, qui lui permet de succomber au plaisir de la relation sans trop souffrir des affres de l'attente et des désillusions qui vont souvent de pair avec l'amour (il faut bien un avantage à vieillir) !

Ce petit roman est bourré d'humour et de tendresse, écrit avec beaucoup de légèreté et d'élégance, c'est un très bon moment de lecture.

Saule - Bruxelles - 58 ans - 28 février 2016


Une année douce bien malmenée 8 étoiles

Une année s’écoule dans la vie de la narratrice, douce ? pas toujours !
Anne Grauwels, d’ascendance juive, écrit des chroniques dans une revue juive progressiste. Elle est une spécialiste en économie et a enseigné à l’université de Gand.
La narratrice livre au lecteur ses sentiments dans une vie bien, trop remplie ? L’écriture d’un essai la perturbe, l’empêche de vivre mais l’aide quand même puisqu’elle fait connaissance de l’Ecrivain qui, petit à petit, prend une place prépondérante non seulement professionnelle… Comment se défaire de la morosité ? Consulter un psy ? Et ce sont des visites régulières chez l’Analyste. Il faut ajouter que l’absence occasionnelle de l’Amant peut perturber !
De ci de là, Anne Grauwels teinte son récit de quelques notes non dépourvues d’humour.
Est-ce un récit autobiographique ? Ou l’auteure ajoute-t-elle une touche romanesque à sa vie ? L’équivoque peut sembler réelle pour le lecteur.

Ddh - Mouscron - 82 ans - 17 février 2016