Gagner sa vie
de Fabienne Swiatly

critiqué par Henri Cachia, le 15 février 2016
(LILLE - 62 ans)


La note:  étoiles
Après les trente glorieues
Découverte d'une autrice Fabienne Swiatly et son premier livre « Gagner sa vie » (2006). Depuis il y en a eu deux autres, dont une critique principale ici-même pour « Unité de vie. » Tous trois publiés aux éditions La fosse aux ours (Lyon) qui ne fait pas de bruit.
Voilà une belle découverte, comme j'aime les faire, en déambulant dans les rayons de ma bibliothèque municipale.

Un texte court (92 pages) mais très dense, décliné en treize tableaux qui rendent compte d'un parcours de vie – on ne sait d'ailleurs pas s'il s'agit d'un récit ou d'un roman – et peu importe.
Une trentaine d'années juste après les « trente glorieuses », de l'année du bac jusqu'à la vie professionnelle, puisqu'il faut bien gagner sa vie.

Les utopies, les rêves, les espoirs, et puis la déception, le désenchantement, mais aussi le désir de faire quelque chose de sa vie avec ses contradictions, en avoir conscience et pas mauvaise conscience.

En tout cas, on ne peut pas reprocher à Fabienne Swiatly de ne pas avoir de style. Simple et direct, avec de belles images, elle sait jouer avec les mots, sans doute pour cela qu'elle anime des ateliers d'écriture avec enthousiasme.

« ...J'ai dit littérature, ils ont répondu gestion-commerce. Pas assez douée pour la voie littéraire, il aurait fallu redoubler mais les parents ne veulent pas le redoublement puisque ce n'est pas obligé. Préparer un bac pour une fille d'ouvrier, c'est déjà bien et puis gestion-commerce, ça fait sérieux. On dirait presque un métier.
Et je me laisse convaincre. Aimer lire Kerouac et Miller ne fait pas de moi une littéraire. Trop de fautes dans mes dissertations. C'est inscrit au stylo rouge dans la marge : des idées, certes, mais que de fautes ! Ce mot de faute qui fait honte et me rappelle d'où je viens. Le père et la mère qui parlent mal français. Famille qui ne semble pas venir d'un pays mais du plus sombre de la mine, là où le grand-père poussait les wagons. La pauvreté est une punition et moi je faute dans mes dissertations... »

Elle dit les mots qui me conviennent de cette époque que j'ai bien connue. En espérant qu'ils trouveront le même écho pour ceux et celles qui l'ont vécue également.
Pour les plus jeunes, une belle occasion de découvrir autrement la vie de leurs parents dans ce monde industriel, aux multiples facettes dont la mine. Et toujours cette soumission inconsciente qui colle à la peau des pauvres face aux puissants.
Mais le plus important, bien sûr, c'est toujours le parcours d'un individu face à la société quelle qu'elle soit. En cela Fabienne Swiatly nous en dresse un tableau édifiant.

Une belle plume. Précise et concise.