Ce qu'il reste de moi
de Monique Proulx

critiqué par Libris québécis, le 7 février 2016
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Go Habs Go
Monique Proulx s’est donné corps et âme à l’écriture de son dernier roman. C’est un hymne vibrant à l’honneur de Montréal, qui fêtera, en 2017, son 375e anniversaire. Ce sont presque que 400 ans de fondation, mais, en comparaison de l’histoire de l’humanité, la ville en est encore à ses premiers balbutiements. Son érection est l’œuvre de personnages pieux qui ont donné vie à un territoire revendiqué par les Agniers. Aujourd’hui on condamnerait cette entreprise de spoliation à l’instar des autorités civiles de l’époque. Mais mousquet à la taille, les fondateurs ont quand même élevé les structures nécessaires pour répondre aux besoins d’une poignée de colons.

Curieusement, cette folle épopée connut du succès même si Maisonneuve, que l’on reconnaît comme le principal responsable de la ville, fut finalement rappelé en France. Mais son œuvre lui a survécu, grâce à des acolytes tels que Marguerite Bourgeoys et Jeanne-Mance, des bâtisseuses inlassables. Avec son roman, Monique Proulx démontre comment l’esprit de ses pionnières se perpétue encore aujourd’hui à travers la faune diverse qui compose le million sept cent mille âmes de la métropole du Québec, née de la dévotion à la Vierge, comme l’indique la toponymie d’origine, soit Ville-Marie.

La religion n’a rien d’étouffant. Dans un élan d’une même quête d’identité, chacun cherche avec ce qu’il reste de lui le terreau idéal pour se mouler à un peuple lancé vers une destinée valorisante comme ces juifs qui fuyaient l’Égypte. Prêtre, enseignante, artiste, inuit, musulman, hassid, Mohawk se croisent autour d’activités qui leur arrachent des cris du cœur afin de proclamer haut et fort leur désir d’appartenir à une seule et même foule diversifiée comme celle du Centre Bell, qui encourage les joueurs d’hockey de l’équipe montréalaise en s’époumonant avec des Go Habs Go. (Habs, surnom affectueux du club).

Monique Proulx aime ses personnages et les veut heureux. Elle amène chacun à faire son laïus pour dire à ses interlocuteurs comment il espère s’intégrer à la grande famille, dont la base repose sur le travail des fondateurs. À travers Jean Mance, tous continuent de bâtir cette ville appelée à un bel avenir s’il faut en croire l’auteure, qui parvient à les mettre en interactions. On pourrait croire à des nouvelles, mais c’est un même souffle qui anime cette œuvre autour d’une même démarche : être Montréalais au sein d’une communauté cosmopolite.

Ce n’est pas un roman facile. Ça ressemble à une balle de laine dont il faut démêler les brins composés de toutes les couleurs. Ça prend une lecture attentive pour saluer cette œuvre gigantesque, agitée par les grands vents d’une haute marée qui pousse, sur le rivage montréalais, tous les cœurs en quête d'enracinement.