Aux armes de Cardiff
de Louis Brauquier

critiqué par Eric Eliès, le 23 janvier 2016
( - 49 ans)


La note:  étoiles
Dans le port de Marseille, il y a des marins...
Jacques Brel a chanté le port d'Amsterdam et ses marins ; Louis Brauquier a, dans ce court roman de jeunesse écrit en 1926, célébré le port de Marseille et ses bas-fonds. Pourtant, Louis Brauquier, principalement connu pour ses poèmes d’inspiration maritime, n’a jamais publié ce texte qui est longtemps resté inédit. En effet, des amis bien intentionnés lui avaient conseillé de garder dans ses tiroirs l’histoire, jugée scandaleuse, de Marie, prostituée marseillaise tombée enceinte, et de Bill Billington, marin écossais en errance. Néanmoins, il y a un autre personnage principal : la ville de Marseille, qui procure aux marins de passage un avant-goût de l’Orient, de son cosmopolitisme et de sa chaleur étouffante. Evoquant Marseille et les navires en route vers des ports lointains, Louis Brauquier, qui était employé par la compagnie des Messageries Maritimes et connaissait très bien ce milieu, ressuscite, avec un grand souci du détail vrai, l’ambiance un peu vénéneuse (et pas totalement révolue…) des ports de Méditerranée et la faune interlope (marins de toutes nationalité, commis des compagnies et négociants, prostituées, trafiquants, voyous, etc.) qui hante les quais et les rues de Marseille...

L’histoire est simple comme dans un conte : Marie, jeune femme d’origine corse qui a grandi à Marseille, subvient à ses besoins en se prostituant aux marins des grands navires qui font escale ; tombée enceinte, elle décide de ne pas avorter et tente de trouver, pour son enfant, un père, et, pour elle, un mari, avec l’espoir de changer de vie. Ayant choisi, entre tous les pères putatifs qu'elle associe à ses dernières passes, d’attribuer l’enfant à un vieux marin anglais, elle parvient à le revoir et tente vainement de le convaincre de s’installer à ses côtés. Celui-ci rechigne et se dérobe ; pourtant, il ressentait depuis plusieurs mois le besoin de mettre fin à sa vie de bourlingue et d’assumer la paternité des petits enfants qu’il avait probablement semés sur la planète. Tout finira bien pour Marie, aidée par la Providence et par les circonstances, et pour Bill, le marin écossais perdu à terre. Le récit s’apparente à un conte réaliste où les évènements s’enchaînent pour aboutir, après quelques péripéties habilement menées, à un dénouement heureux, qui ne peut que réjouir le lecteur. L’écriture, qui joue sur le mythe du marin vagabond des mers et sur l’exotisme des voyages maritimes, est très fluide, avec une grande justesse psychologique ; le récit se lit très agréablement.