Politique des zombies, l'Amérique selon George A.Romero
de Auteur inconnu

critiqué par AmauryWatremez, le 19 janvier 2016
(Evreux - 54 ans)


La note:  étoiles
Société post-moderne zombifiée
Le zombie est dans le vent de l'époque. On le retrouve dans des livres pour adolescents voire même dans des feuilletons « pop corn » où être un mort-vivant c'est beaucoup plus « oool » que la vie normale. La télévision américaine a inventé le zombie de « soap opera » dans « The Walking Dead » et même le zombie « bubble gum » dans la sympathique série bien que sans doute un brin superficielle, mais pas tant que ça, « Izombie ».



Dans « Izombie » les morts-vivants sont généralement des privilégiés qui pour tromper leur ennui tuent de temps en temps un sans-abri afin de manger son cerveau et se repaissant de ses souvenirs et sentiments qui sont pour eux une drogue. Le citoyen consommateur de 2016 en est déjà un aussi, fonctionnant comme une machine, répondant à des normes standardisées à de rares exceptions près, il n'est donc pas étonnant qu'il s'y identifie plus que d'autres personnages.



Il est comme les protagonistes des longs métrages de Romero déjà « zombifiés » avant même que d'avoir être « infecté »...

....Dans ce livre, des critiques de cinéma, des sociologues et des journalistes évoquent les films de Georges A. Romero et plus particulièrement sa « tétralogie » des morts-vivants. Ainsi que le réalisateur lui-même le rappelle dans un petit texte que l'on peut lire dans ce livre, il a cherché d'abord à réaliser des films fantastiques naturalistes ayant un point de vue sur la société américaine. Mais l'on peut étendre sans peine ce point de vue à toute la société occidentale car elle souffre bel et bien des mêmes maux.



Contrairement à John Carpenter qui a une vision plus radicale des choses, Romero est somme toute un idéaliste bien qu'il le soit de manière atypique. Dans ses films le fléau des morts-vivants est de ceux permettant de remettre « à plat » les valeurs fondant nos sociétés et d'arriver à l'utopie après avoir tout repris à zéro, à l'exemple des personnages se réfugiant sur une île déserte idyllique.



Ce n'est pas innocent si le héros de « la Nuit des morts-vivants » est issu d'une minorité, cela n'est pas non plus un hasard si les personnages de « Dawn of the Dead », « Zombie » en France, se sont barricadés dans un centre commercial que les zombies veulent investir pour y revenir. Le monde y est déjà envahi d'écrans ne pouvant montrer que la déliquescence consumériste et celle des élites. Les personnages du « Jour des morts-vivants » survolent tout un pays soumis à ses pires démons, dont le pire instinct grégaire. Le point de vue s'inverse dans « Land of the Dead » dans lequel les zombies sont finalement tous les exclus de la société libérale-libertaire.



La figure traditionnelle dans le fantastique du zombie n'est donc qu'un prétexte pour parler d'autres sujets. Romero n'est pas Ruggiero Deodato ou un autre tâcheron de la série B ou Z cherchant juste à réaliser des films les moins chers et les plus rentables possibles. Il n'est pas non plus chaussé de semelles de plomb selon l'expression, ses personnages ne sont pas seulement des archétypes. La cause de la zombification de la société occidentale n'est d'ailleurs qu'un prétexte vaguement scientifique (comme dans « Je suis une légende » de Matheson) :



Des radiations cosmiques selon un « scientifique » que l'on voit à la télévision....



Le cinéaste se situe d'abord dans l'esprit des « comics » d'horreur des années 50, les fameux « EC Comics » de William C. Gaines qui avaient comme particularité de toujours être imprégnés d'une atmosphère morale, une morale certes très sarcastique et complètement à rebours de la « morale bourgeoise ». Les censeurs ne s'y trompèrent pas finissant par les interdire. Des écrivains dits « de genre » de talent furent pourtant scénaristes pour ces bandes dessinées dont Ray Bradbury.



Cet ouvrage sombrant de temps à autre dans le défaut que Jean-Baptiste Thoret reproche aux autre critiques : « l'interprétationnite ». Les auteurs ont des envolées me paraissant parfois hors-sujet quant aux intentions artistiques de Romero. Mais cependant ce livre montre que les films « de genre » en disent plus sur nous et nos travers, et l'abjection de la société actuelle, que bien des œuvres d'ôôteur à « messâââge »....