Boitelle et le café des colonies
de Didier Quella-Guyot (Scénario), Sébastien Morice (Dessin)

critiqué par Le rat des champs, le 15 janvier 2016
( - 73 ans)


La note:  étoiles
Chef d'oeuvre, à lire impérativement
D'une nouvelle très désabusée de Maupassant, Didier Quella-Guyot et Sébastien Morice tirent une bédé d'exception, belle, émouvante, au dessin raffiné et élégant, une charge contre le racisme, bête et odieux, tel qu'il existait en France à la fin du XIXe siècle, tel qu'il existe encore aujourd'hui, hélas.

Disons-le tout de go, cette bédé exceptionnelle fait partie de celles qui devraient être lues dans les écoles en notre temps d'égoïsme et de rejet de l'autre.

C'est l'histoire de Boitelle, qui à dix-huit ans tombe amoureux fou de la belle Norène, une jeune Africaine qui travaille comme serveuse dans un bistrot du Havre, le café des Colonies. Le pauvre Boitelle n'aura hélas pas le courage de s'opposer au racisme environnant, à sa famille qui trouvent Norène "trop foncée", trop colorée, au qu'en dira-t-on, aux langues de vipère et à la méchanceté des habitants de son village. C'est aussi l'histoire de la lâcheté de Boitelle, qui regrettera tout le restant de sa vie d'avoir abandonné sa jolie négresse, comme on l’appelait en ce temps, sous la pression du racisme ambiant. C'est donc aussi l'histoire d'une vie lamentablement loupée et celle du racisme ordinaire, bête et méchant, qui détruit l'amour et les êtres, ce racisme enraciné dans chacun, qui mènera quelques décennies plus tard l'Europe dans le chaos.

Un coup de coeur absolu.