Mon amour pour la vie en moi de Gérard Sendrey

Mon amour pour la vie en moi de Gérard Sendrey

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 10 janvier 2016 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 8 étoiles
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Aime-toi toi-même

Je connaissais le crayon de Gérard Sendrey pour avoir apprécié les illustrations incluses dans le dernier recueil d’aphorismes de son éditeur, Jean-Louis Massot, « Sans envie de rien », mais j’ignorais qu’il avait aussi une plume et même une belle plume. Dans cet opuscule qui hésite entre témoignage personnel sur la vie qu’il a menée et essai sur la façon d’appréhender la vie pour en tirer profit, on pourrait voir une sorte de livre testament mais de testament fragmentaire car l’auteur aura encore l’occasion de préciser certains points de sa pensée dans des publications à venir. Il ne peut abandonner ses lecteurs alors qu’il vient seulement de comprendre la signification de ce qu’il chantait il y plus de cinquante ans.

« Je suis heureux d’exister et de déguster en des moments d‘émotions profondes cet amour de la vie que je chantais, il y a plus de cinquante ans, grâce à Eddie Constantine, en prononçant des paroles dont je n’ai compris qu’à l’orée de ma quatre-vingt-huitième année la signification d’un passage capital de son contenu : « J’ai fait mon paradis sur la terre, et la paix règne au fond de mon cœur, et vraiment, si c’était à refaire, je serais pour garder le bonheur… ».

Enfant né au mauvais moment, un peu trop tard pour réjouir des parents qui le laissent orphelin trop vite, juste assez tôt pour pâtir des affres de la dernière guerre. Enfant turbulent qui éprouve le besoin de se distinguer pour prouver son existence. Enfant nourri de bondieuserie par la tante bigote chargée de son éducation. Enfant complexé parce que ses parents ne se sont pas préoccupés assez tôt de son bénin problème sexuel. Enfant qui entre dans sa vie d’homme avec ce qu’il a découvert pendant et après la guerre, notamment l’antisémitisme et la shoah qui l’ont profondément marqué. Adulte, il comprendra vite qu’il ne faut pas confondre certitude et croyance, la religion restera un élément essentiel de sa vie. Il dit toujours qu’ « Il y a pour moi trois mots synonymes dans notre langue française pour désigner la même notion relevant de l’inconnu … ces trois mots significatifs de données indéfinissables sont pour moi Dieu, la vie, le mystère ».

Devenu plus âgé, il attribue à sa part féminine dont il avoue l’importance sans jamais avoir été tenté par des aventures homosexuelles, une meilleure compréhension des nombreuses femmes qui évoluèrent souvent platoniquement dans son entourage, et une meilleure appréhension de la vie qu’il a fini par trouver belle lorsqu’il a admis qu’il fallait s’aimer soi-même pour pouvoir réellement aimer les autres. Le titre de l’ouvrage devient alors un véritable credo, il faut aimer la vie, la vie qu’on a en soi pour pouvoir aimer les autres et vivre pleinement son existence.

Au soir de sa vie, il aborde aussi le thème du libre arbitre, du déterminisme, de l’acquis et de l’inné, il ne croit pas au hasard, « Le hasard n’existe pas et la vie se charge d’organiser les différentes existences à sa façon », pas plus en l’humanité : « Une reconnaissance capitale des insuffisances de l’homme,…, qui ne pourra jamais comprendre son propre fonctionnement corporel et intellectuel dans les diverses parties de son corps… ». Comme Pascal Mercier le démontre dans « Train de nuit pour Lisbonne », il croit lui aussi que nous possédons en nous une quantité de vies potentielles dont nous ne menons qu’une infime partie. Cependant lui croit que les lois qui régissent l’univers se chargent d’organiser l’existence de chacun alors que Mercier laisse cette mission au hasard le plus pur. Tous les deux pensent que nous développons les talents vers lesquels nous sommes orientés mais que nous pourrions en développer beaucoup d’autres et mener des existences très diverses.

Dieu, la religion, la bêtise humaine, le hasard, les forces supérieures inconnues, la perspicacité féminine … toutes les préoccupations qui ont conduit Gérard Sendrey à prendre modestement la plume car, comme nous l’a appris Queneau, on peut bien écrire sans être écrivain et sans vendre des montagnes de livres, pour nous faire partager son credo en la vie qui coule dans nos veines et qu’il faut aimer pour pouvoir aimer les autres.

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