Un dé en bois de chêne
de Suzanne Jacob

critiqué par Libris québécis, le 5 janvier 2016
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Maudit Bonheur
Suzanne Jacob a fui son Abitibi natal pour être instruite ou déconstruite par les sœurs de l’Assomption de Nicolet. Les « pisseuses » lui ont peut-être donné le goût de fouiller les âmes des centaines de pensionnaires en robe noire rehaussée d’un collet blanc rendu irritant par l’amidon.

Que pouvait-il se passer dans toutes ces têtes ? L’auteure leur a tricoté un destin composé d’un brin de laine écrue, sortie tout droit d’une enfance et d’un présent garants d’un avenir terrorisant. Ce recueil de nouvelles raconte les énigmes vécues par des personnages qui ont une vision du monde ambiguë. Tremblant comme les feuilles du peuplier, ils sont en attente d’une catharsis sur le quai d’un bonheur retenu pour des motifs nébuleux que l’on tente de faire sourdre du subconscient. Comment atteindre le large quand les haussières sont enroulées autour des bittes ? Pourtant derrière les paralysies du cœur comme du corps se camoufle la vraie. Pourquoi cet arbuste pousse-t-il en plein désert de l’Arizona, demande le protagoniste de la dernière nouvelle ? Ses racines sont assez longues pour rejoindre une nappe d’eau capable de favoriser sa croissance dans un milieu aride, comme peut l’être notre environnement avec les dérapages des cœurs rageurs, qui outragent les cœurs muets. La peur de la douleur de vivre est déjà inscrite dans un passé qui se transpose en futur antérieur.

Comme une psychothérapeute, Suzanne Jacob tente de déminer le sol des scories dangereuses qu’on y a enfouies. Ce n’est pas une mince tâche. Son écriture en fait foi. Elle poursuit des labyrinthes apparemment sans issues. Mais on sent que derrière les mots se cache ce couplet de Maudit Bonheur de Michel Rivard :
L'âme divague
Le cœur prend l'eau
T'as eu la chienne (peur)
J'ai eu d'la peine
T'as eu ma peau
Maudit bonheur