Miso Soup
de Ryū Murakami

critiqué par Duncan, le 21 février 2004
(Liège - 42 ans)


La note:  étoiles
Tôkyô by night...
Autant prévenir tout de suite: même si Murakami Ryû porte le même nom que Murakami Haruki, qu'ils sont souvent rangés un à côté de l'autre dans les rayons des librairies, leurs styles sont radicalement différents !

Avec ce Miso Soup ( sorte de potage très populaire au Japon, le Miso étant une pâte brune à base de haricots... ), Murakami nous emmène dans une sorte de "road movie" dans les quartiers interlopes de Tôkyô ( Kabukichô principalement ). Le héros, Kenji, est guide pour touristes occidentaux en mal de "sensations fortes"... Mais le touriste qu'il doit balader cette fois-ci, Franck, un américain au comportement plus qu'étrange, est loin d'être un "gaijin" comme les autres... Très vite Kenji a des doutes: et si Franck était cet assassin que tout le monde recherche ?

J'ai lu déjà quelques livres de cet auteur... et Miso Soup est jusqu'à présent mon préféré ( en mettant de côté Kyoko qui dénote franchement dans la bibliographie de l'auteur par son côté étonnamment positif... et le style narratif très original puisque l'héroïne n'est narratrice que de quelques courts chapitres... ).

Les passages assez sordides se mêlent avec d'autres passages plus légers, voire drôles, mais le tout baigne quand même dans une ambiance générale assez oppressante. Asphyxiante même...

Mais en lisant Murakami Ryû, on sait que l'on doit s'attendre à ça... et c'est pour cela que l'on le lit à mon humble avis...

Et dans le style, Miso Soup est assurément un bon choix...
Nuit d'horreur 7 étoiles

Ryu Murakami propose le plus souvent une vision très sombre de la société japonaise. Miso Soup ne fait pas exception à la règle et nous plonge dans un Tokyo interlope qui se transformera en nuit d’horreur. Âme sensible s’abstenir. Un livre marquant qui accentue mon intérêt pour cet auteur très peu publié en France malheureusement.

Kabuto - Craponne - 63 ans - 19 février 2023


Miso Soup? 6 étoiles

J'ai lu ce livre dans le train entre Kyoto et Tokyo... Le regard porté sur la nuit Tokyoïte en a été modifié.

L'écriture fluide permet à Ryu Murakami de nous faire part de sa vision de l'âme humaine, souvent noire et ambiguë.

Ce livre se lit rapidement et laisse une empreinte à long terme.

ClaireF - - 40 ans - 1 février 2015


Quotidien 7 étoiles

Vous venez de lire les premières pages ? Alors considérez que vous avez aussi lu les dernières. A nouveau ce livre de Ryû se termine comme il commence ; même univers, même ressentiments, même personnages, même ambiance, même ton. Et le dénouement auquel on pouvait s’attendre s’avère exact. Pourtant, absence de déception.

Et effet je pense qu’un lecteur de R. Murakami est prévenu, préparé et persuadé quand à l’atmosphère qui règnera dans chacun de ses romans. Et une telle monotonie, lassitude, un tel pessimisme dans le style et dans l’esprit de l’écrivain ne peut laisser place qu’à une histoire sans grand suspens.

Descriptions des bas-fonds de la société japonaise, des âmes qui, trop chamboulées par une guerre et des atrocités, ne se régénèrent pas, tout comme les corps qui les enveloppe, et qui, empreints de blessure et de compassion, témoignent de la détresse de la jeunesse japonaise mais aussi de tout un peuple.

Ce livre de Murakami est donc pareil à tous les autres, les siens : peu de personnages, passages horrifiants, sentiment de dégoût de l’auteur qui perce les ligne et remplace les mots. La trame est écrite pour être suivie mais peu importe si vous ne retenez rien de l’intrigue ; on dirait encore une fois que l’écrivain cherche à ce que son lecteur s’attache aux moindres détails et scènes tragiques, effrayantes, plutôt qu’à la profondeur du récit (peu flagrante), et tant pis pour le style et la reconnaissance littéraire.

A nouveau donc, R. Murakami ne signe ni une histoire de meurtre, ni une d’amour, ni d’aventures d’étrangers occidentaux débarquant au Japon, ni de prostitution, encore moins de délinquance, comme les résumés de quatrième de couverture pourraient le laisser présager mais bien un méli-mélo de tout cela qui n’est en fait que la représentation peu objective (ou pas) que se fait Ryû du Japon de la fin du XXème siècle dont il avoue faire entièrement partie et dont il n’existe aucune échappatoire.

Elya - Savoie - 34 ans - 1 septembre 2009


Japan psycho ou la décadence au pays du soleil levant 8 étoiles

Murakami dresse dans ce roman l'état peu élogieux de son Japon natal au travers du prisme de la décadence.
L'état des lieux est terrible: constat d'une course au profit, découverte d'une prostitution de consommation (collégiennes et lycéennes vénales qui se vendent pour acheter le dernier truc à la mode), affliction devant l'omnipotence du modèle américain et perte des valeurs japonaises.
Frank possède comme le Bateman d'Ellis cette même incarnation de la dualité, met en exergue la cécité de la société devant des phénomènes toujours plus graves, exprime un dégoût croissant:

Jun se retourna pour les regarder, ses yeux croisèrent ceux d'un enfant, qui lui fit un sourire. Jusqu'à récemment, je détestais ce genre de scène, me dis-je. Je songeai que si je comprenais à quel point Frank était dangereux, c'était parce que j'avais une connaissance particulière du mécanisme de la haine. La haine, l'intention de nuire, naît d'émotions négatives nommées chagrin, solitude, rage. Elle naît d'un gouffre béant qu'on sent à l'intérieur de soi.

Les ingrédients émétiques sont aussi nombreux chez Murakami que chez Ellis et même si le roman est différent d'American psycho, j'y ai néanmoins retrouvé le même constat violent et résigné, la même expression de violence et surtout le même sentiment d'inéluctable sentiment de vide.

Murakami écrit d'ailleurs en post-face:
Une dégénérescence terrible est en cours, et elle ne contient pas la moindre graine d'épanouissement. J'ai l'impression d'observer des organismes vivants en train de mourir lentement à l'intérieur d'une pièce aseptisée. Tout cela m'écoeure déjà mais je suis persuadé que, loin de s'arrêter, la décadence ne fera que s'accélérer tandis que se renforceront des phénomènes d'ordre réactionnaire et régressif


J'ai découvert là Ryû Murakami, sa face sombre et désespérée; j'espère en découvrir un autre visage à la lecture prochaine de 1969 même si j'ai beaucoup aimé cette étrange mixture qu'est Miso soup.

Oxymore - Nantes - 52 ans - 16 janvier 2007


Philomisanthrope? 9 étoiles

Je viens de terminer ma lecture de Miso Soup, roman qui, je dois le dire, a facilement pulvérisé les attentes que j'avais fondées en lui. Ryu Murakami a comme réputation d'être l'antithèse de son très populaire homonyme Haruki, donc, un auteur possédant une écriture sombre et angoissée. Au delà de la noirceur et de l'horreur présente dans ce bouquin, on y retrouve un réel questionnement sur la valeur de la vie humaine.

Le personnage de Frank me rend perplexe encore après la lecture. Parfois il semble complètement mésadapté, voir sociopathe, parfois , dans sa folie il semble prêcher l'universalisation de sentiments tel que l'amour et le respect. Le style de Murakami est également loin d'être dépourvu d'intérêt. Kenji mélange ses introspections avec des moments de grandes lucidité sur Frank et des conversations avec sa copine Jun au même moment. Je ne savais plus sur quel pied danser!

Lecture qui n'est pas si dure si vous passez tout droit sur les trente pages du massacre. Très intéressant, très ambigu comme vision du monde...

FightingIntellectual - Montréal - 41 ans - 9 novembre 2005