Tétraméron : Les contes de Soledad
de José Carlos Somoza

critiqué par Pucksimberg, le 29 novembre 2015
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Alice au pays des merveilles, version 21ème siècle.
Soledad est une ado de douze ans qui lors d'une visite scolaire dans un ermitage, va s'éloigner du groupe pour pénétrer dans un lieu mystérieux où se retrouvent quatre personnes, assises autour d'une table, conversant. Elle qui se sent transparente et seule ne passe pas inaperçue dans ce lieu énigmatique. Chaque personnage raconte deux histoires, ceci à tour de rôle. Entre ces contes étranges, parfois macabres, s'intercalent des dialogues entre les quatre personnages et Soledad, des discussions dans lesquelles bien souvent ils lui demandent son avis. Après chaque histoire, elle est sommée d'ôter un vêtement. Soledad, se reconnaît parfois dans certaines histoires où se tissent des liens difficiles à démêler. Certains histoires sont très violentes, d'autres mystérieuses et renoueraient presque avec les mythes, certaines sont ancrées dans le monde moderne et interrogent sur le progrès.

Ces histoires se lisent volontiers et interpellent. Elles font réagir le lecteur car certains épisodes sont très surprenants, d'autres sont choquants et ne manqueront pas de nous faire réagir. Elles interpellent aussi parce que le lecteur doit rester concentré et donner du sens à ce qu'il lit. L'on ne peut pas dire que cela soit toujours limpide. On pense souvent à "Alice au pays des merveilles" en lisant cette oeuvre, même si ici il s'agit véritablement d'une plongée dans les vices et dans le péché. Cette enfant semble passer à l'âge adulte à travers ces histoires narrées qui la font grandir rapidement.
Etant donné qu'il y a des dialogues entre les contes et que Soledad elle-même se perçoit dans certains histoires, il est difficile d'affirmer qu'il s'agit clairement d'un recueil de nouvelles. Ce sont plusieurs contes ou nouvelles qui s'enracinent dans un roman. José Carlos Somoza s'incrit dans un héritage littéraire connu du plus grand nombre. Après le Décaméron de Boccace et L'Heptaméron de Marguerite de Navarre, nous voilà en possession du Tétraméron de Somoza. Il y avait eu avant l'auteur espagnol "Le Château des destins croisés" de Calvino qui reposait sur le même procédé. Ici, l'auteur renouvelle cette structure et l'on perçoit tout ce que l'étude de la psychiatrie a pu apporter à cet univers.

L'écriture captive le lecteur, les mots nous portent et le lecteur éprouve des difficultés à poser ce livre tant la curiosité est aiguë. Quelle imagination et quelle force dans ces courts textes ! Le lecteur qui a besoin de tout comprendre, de tout dénouer avec facilité pourrait être frustré en lisant cette oeuvre. Et l'écrivain s'en amuse quand il fait parler ses personnages sur le genre même du conte qui reste codifié et hermétique parfois, s'amuse aussi en disant que le conte n'a peut-être pas de leçon en soi à délivrer.