Ce pays qui aime les idées : histoire d'une passion française
de Sudhir Hazareesingh

critiqué par Colen8, le 8 novembre 2015
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Incomparable génie français
Incomparable, le terme exprime la singularité, l’originalité de la pensée et de l’esprit français. C’est toute une histoire qui est retracée ici en une fresque magistrale, d’autant plus surprenante que née chez un adolescent vivant à l’Île Maurice, qui n’a eu de cesse depuis lors de comprendre notre esprit en s’appropriant notre culture philosophique, politique et intellectuelle. Il porte sur nous comme un regard d’entomologiste érudit, mais aussi curieux, affectueux et gentiment moqueur. Au fil des siècles depuis le rationalisme philosophique de Descartes quels que soient les régimes et les circonstances, il y a une sorte d’invariance de nos schémas de pensée expliquée en partie par la centralisation à Paris de toutes les instances de réflexion et de pouvoir. Le mythe de la « pensée unique » semble bien avoir une lointaine origine perpétuée par la formation des élites au sein de quelques grandes écoles.
Ancienne première puissance européenne la France s’est senti une vocation universelle à faire rayonner ses valeurs à travers le monde. Après la cuisante défaite de 1940 puis la perte de l’empire colonial, les rêves de grandeur du Général De Gaulle n’ont pas suffi à raviver cet esprit messianique. Le recul international du pays, les crises successives ont alimenté depuis des décennies le thème du déclin. La succession des sondages mesure un pessimisme collectif en contradiction avec l’idée d’un bonheur individuel, signe s’il en était besoin d’un esprit porté sur la culture du paradoxe. Car tout est là. Les paradoxes, les antagonismes, les clivages sont une constante de notre histoire comme le démontre si bien l’auteur. Il nous fait aussi revivre le mysticisme de Pascal, les idéaux utopiques porteurs d’imagination nés des Lumières puis véhiculés jusqu’à nos jours par les écrits de Rousseau, les mouvements révolutionnaires, l’attente de l’homme providentiel personnalisée un temps par Napoléon, le positivisme du 19ème siècle. Il cherche une explication à la fascination exercée par le communisme sur toute une génération d’intellectuels au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. Il finit néanmoins sur une note optimiste par le rappel de nos richesses culturelles. Nous sommes un pays où il fait toujours bon vivre.