Siegfried follies
de Son Excellence Otto

critiqué par Débézed, le 23 octobre 2015
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Débauche berlinoise
C’était en 1928, Son Excellence devait fuir rapidement la France où elle n’était plus en sécurité, elle avait occis son adversaire lors d’un duel et la maréchaussée allait vraisemblablement lui demander des comptes. Elle décida donc de quitter le pays pour s’installer à l’étranger, en l’occurrence à Berlin, alors ville de débauche, de fête et de misère. C’est cet exil qu’elle raconte dans « Siegfried Follies », ouvrage faisant suite à deux autres auxquels l’auteur se réfère régulièrement, mais que je n’ai pas lus, de ce fait, je n’ai pas toujours très bien compris les motivations, passions et vices de Son Excellence mais cela importe peu car il me semble que le sujet ne réside pas dans l’histoire mais dans la narration qu’en fait l’auteur.

Que l’un des protagonistes présente comme « … un homme tel que vous, curieux, anticonformiste, cultivé, spirituel, sophistiqué… ». Curieux, il l’est sans conteste, il explore les lieux les plus dépravés de la capitale germanique, des maisons de débauches de luxe jusqu’aux quartiers les plus miséreux où les êtres les plus abjects et les plus décatis essaient de gagner leur misère avec ce qui leur tient lieu de corps. Anticonformiste, c’est évident. Cultivé, assurément. Spirituel, dans un certain sens. Sophistiqué, heu… peut-être.

En ce qui me concerne, je crois surtout que celui qui se cache dernière son Excellence, a pris un grand plaisir à rédiger ce texte baroque, loufoque, débridé, vaguement érotique mais plus sûrement scatologique. Il a totalement laissé libre cours à sa plume, déversant un flot débordant dans un texte raffiné mais un peu grandiloquent, je ne parierais pas que l’auteur ne s’est pas joyeusement amusé à parodier les auteurs prolixes et verbeux qui encombrent les rayons des librairies, utilisant un langage riche, composé des meilleurs termes de la belle langue de France, enrichi de mots latins, de mots allemands, de mots savants, de mots recherchés et de néologismes qu’il n’est pas toujours évident de différencier des mots savants tant ceux-ci le sont.

Le tout donne un texte foisonnant, parfois très littéraire, parfois un peu rebutant, mais c’est toujours un bel exercice littéraire pour décrire les mœurs peu ragoûtantes d’une certaine population berlinoise au moment où le nazisme faisait son nid dans cette société profondément affectée et passablement ruinée par l’humiliante défaite de 1918. Dans cet exercice, Son Excellence, ne donne pas dans la dentelle, elle manifeste clairement un anti germanisme profond, allant jusqu’à prétendre que les Allemands composent un peuple peu ragoûtant et le prouvant même en présentant en annexe quelques passages extraits d’œuvre d’auteurs reconnus ayant défendu la même théorie. Mais tout cela reste dans la fiction et n’engage que ceux qui y croiront.