Guide sublime
de Fabrice Erre

critiqué par Pucksimberg, le 18 octobre 2015
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Bienvenue en dictature !
Fabrice Erre a inventé un personnage de dictateur, sorte de Borat, colérique, stupide, joueur, petit bonhomme hystérique et moyen utilisé par le dessinateur pour faire une critique de la figure du dictateur. Ce personnage caricatural emblématise tous les dictateurs orientaux et occidentaux, êtres capricieux ici. Ce "guide sublime" impose aux hommes de porter la moustache, aux femmes de porter la frange longue, il fait exterminer des peuples de manière aléatoire, veut bâtir son empire en déterminant une couleur symbolique, un logo ... Il ne cesse d'hurler et de s'en prendre à ses acolytes qui doivent répondre à tous ses besoins.

Fabrice Erre a donné naissance à un personnage marquant et ridicule. La critique se fait sentir derrière le rire. Chaque page contient quatre vignettes, ce qui permet une lecture plus fluide et insuffle un certain rythme. Les histoires sont inégales, la seconde moitié de la bande dessinée est bien meilleure que la première. La spontanéité de certaines répliques, dans la seconde moitié, sont vraiment risibles et naissent souvent de la surprise. Le texte est bien rédigé et me semble même supérieur aux dessins.

Le lecteur doit accepter d'entrer dans le délire de ce dessinateur qui a engendré des personnages récurrents frappants. On sent les multiples renvois à de nombreux dictateurs. On pense aussi au célèbre film de Chaplin et c'est sans doute pour cela que l'on est moins enthousiaste en lisant cette bande dessinée tant le film reste d'une efficacité implacable.
Il est oplikatoire d'opéir ! 8 étoiles

Dans la douce contrée de Sublimeland, le Guide Sublime vient de prendre le pouvoir. Sa première mesure : imposer le port de la moustache, et gare à celui à qui viendrait l’idée de protester, car notre immensissime Guide peut manquer de sang froid autant qu’il aime le sang chaud…

Armé d’un humour féroce façon Fluide Glacial, Fabrice Erre s’attaque aux tyrans de tous poils qui, pour tromper l’ennui ou la paranoïa, laissent libre cours à leurs pulsions génocidaires. De même, il moque allègrement leurs conseillers, trop lâches pour contredire leur maître ou attendant la moindre défaillance pour prendre sa place. L’auteur prend visiblement du plaisir à tourner ces salopards en ridicule, un plaisir à la hauteur de la haine qu’il semble éprouver à leur encontre. La mise en page en gaufriers à quatre cases, assez proche du strip, colle parfaitement à la rythmique narrative endiablée. C’est dans l’ensemble assez trash, pas toujours dans la plus grande finesse, mais on est clairement dans la caricature. Il y a ici une rage saine qui s’exprime contre la bêtise des puissants les plus méchants et égratigne au passage celle des masses dociles. Comme lorsque l’empereur Bogolo, autre tyran en visite à Sublimeland, prodigue ses conseils au Guide : « Une dictature, c’est un peu comme une émission de téléréalité, on doit comprendre vite et facilement ! Faut pas oublier qu’on s’adresse à des cons… »

Centré principalement sur les personnages, le trait exagérément caoutchouteux de Fabrice Erre fait très bien ressortir les expressions, que ce soit celle du Guide, paranoïaque hystérique, ou celle d’un Plonk verdâtre redoutant les réactions imprévisibles de son maître, sorte d’Iznogoud puissance 10 en mode tueur de masse.

« Guide sublime », une lecture fortement conseillée en ces temps de disette humoristique, sauf bien sûr à ceux qui rêvent qu’un jour, la barbe (et pas seulement la moustache) devienne « oplikatoire »…

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 16 janvier 2016