L'équarrissage
de Lorette Nobécourt

critiqué par Kinbote, le 12 février 2004
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Ouvrir le corps
Un texte qui a sauvé la vie de son auteure dans une période difficile. « J’ai vu un certain jour de ma vie, j’ai vu que la vie est un abattoir. »
Un « été effroyable », une femme sombre dans la dépression à la suite de la nouvelle de la disparition d’une de ses relations dans une explosion au gaz. Elle s’immobilise : « Un mouvement, et je craignais la floraison irrémédiable qui m’emporterait » Elle ne possède plus les repères habituels de la mémoire et de l’identité, de la réalité des choses alentour. « Je n’étais plus sûre de connaître tout ce que j’avais vécu. Certaines heures de ma vie m’étaient devenues étrangères. Et je craignais pour ma raison... »
Un jour, les larmes reviennent... Vient le temps du constat.
« A force d’être agacée par les couteaux de la raison, la peau de la conscience se fond. J’ai connu cette sorte d’équarrissage où on se découvre fait de viande et d’humeurs et de rien d’autre. Se plonger dans la viande, atteindre le mystère de la chair qui est notre seule et unique façon d’être au monde ».
Le corps ne fait plus obstacle à la conscience, enfin libérée de ses attaches de viscères.
« Je n’ai jamais connu qu’avec mes chairs, j’en ai pris possession, je ne délogerai la mort dans ma vie qu’à partir de mes sensations ».
Même si les douleurs, la mort, ne sont que provisoirement écartées, la femme peut s’écrier : « Je suis passée sous la cascade de la mort et mon corps ruisselle de la joie d’être en vie»
Il y a une vie au-delà du dépeçage.