Mala Vida
de Marc Fernandez

critiqué par Jfp, le 19 septembre 2015
(La Selle en Hermoy (Loiret) - 75 ans)


La note:  étoiles
franco y io
L'affaire des bébés volés : une affaire d'état qui a défrayé la chronique en Espagne ces dernières années. Sous la dictature franquiste, des nouveau-nés ont été pris de force à leur mère, soupçonnée ou convaincue d'être une "rouge", pour être adoptés par des familles "bien-pensantes". Ce trafic, sous l'égide de la toute-puissante Opus Dei, s'est poursuivi bien au-delà de la mort du Caudillo. C'est sur ce thème hautement politique que Marc Fernandez a bâti ce thriller haletant, d'une redoutable efficacité. Son écriture, sèche, quasi minimaliste, accompagne le dur chemin vers la vérité que vont devoir suivre Diego Martín, le chroniqueur de radio dénicheur de scandales, la belle et énigmatique avocate Isabel Ferrer, le juge David Ponce (avatar du fameux juge Garzón), la détective Ana Durán et quelques autres personnages tous aussi attachants les uns que les autres. Une fois ouvert le livre, on n'en décolle pas, jusqu'à la catharsis finale. Une réussite du genre, un premier roman qu'on espère être suivi d'une longue série.
en Espagne aussi 5 étoiles

"Peut-être que ce que je vais vous révéler maintenant va vous surprendre, mais c'est pire que tout ce que vous pouvez imaginer. Je veux parler de vols de bébés. D'enfants retirés de force à leurs familles "rouges" dans le but d'éradiquer les antifranquistes. Il n'est pas question ici d'un enlèvement ou deux, mais bien d'une véritable organisation criminelle chargée par tous les moyens d'arracher ces gamins à leurs parents." Voilà comment Isabelle Ferrer, française d'origine espagnole qui a quitté son pays d'origine où l'attendait pourtant une brillante carrière d'avocate, crée l'évènement en annonçant la création de l'ANEV, une association pour retrouver les enfants disparus pendant et après le "règne" de Franco.
Dans un contexte politique compliqué, où l'AMP, parti politique espagnol proche du franquisme vient d'être élu, Diego est surpris d'avoir toujours son poste de chroniqueur radio. Conscient qu'il sert de "bonne conscience" au parti au pouvoir (du genre : "on ne licencie pas tous les opposants au régime en place, regardez, Diego officie toujours" ) et habitué à dénoncer les vicissitudes des politiques et autres hommes de pouvoir, la création de l'ANEV lui apparait comme une bombe sur laquelle il compte bien s'appuyer pour faire monter l'audience de son programme hebdomadaire à Radio Uno. Il décide de se rapprocher de la belle et mystérieuse Isabelle, qui semble parfois s'évaporer dans la nature. Pour cela, il n'hésite pas à faire appel à son amie transsexuelle Ana, sans doute la meilleure détective d'Espagne, qui a travaillé récemment pour elle. Et pour faire bonne mesure, un déjeuner avec son ami David Ponce, juge de son état, lui permettra de prendre la température de la tempête soulevée par l'ANEV.

Lala lala lalalala... Tu me estas dando mala vidad ! Mal de vivre ou mauvaise vie ? Je me suis toujours posée la question. En l’occurrence, je trouve les deux traductions adaptées au titre fort bien choisi de ce premier roman de Marc Fernandez.
J'avoue être un peu tombée des nues (oui oui, je suis très candide...) en découvrant le sujet au centre de Mala Vida. Pour moi, les bébés volés pour des causes idéologiques, c'était l'Argentine de Videla, pas l'Espagne de Franco ! Et bien, il semble que les dictateurs qui se suivent se ressemblent également : si l'on prend une bonne dose de personnel hospitalier complice, quelques politiques qui veulent s'enrichir, une bonne caution de la religion, quelques notaires à acheter, et bien sûr des républicaines enceintes à qui l'on ment, on se retrouve avec un commerce bien lucratif de vente de bébés ! Le tout sur un air de Manu Chao.
Bref, ce roman noir (et pas policier, puisque le lecteur, omniscient, sait bien qui fait quoi et notamment qui commet ces meurtres sur d'anciennes personnalités qui participaient à ce trafic monstrueux) a pas mal de qualités à son actif : il traite d'un sujet finalement pas si connu que ça, et pose la question toujours intéressante de ces lois d'amnistie censées entériner meurtres, tortures, enlèvements, déportation... des coupables. Parce que, somme toute, il y a des choses qui ne s'oublient pas, et qui, une fois dites, ne peuvent rester sans réponse.
J'ai moins adhéré à la forme que prend ce roman... D'abord, on ne sait pas ce qui est véritablement historique et ce qui relève de la fiction pure, sur un tel sujet, c'est dommage. Les personnages principaux sont à la limite du stéréotype : le chroniqueur radio engagé et désabusé veuf depuis que son épouse a été assassinée par sa faute, la jolie blonde intelligente et fragile, et championne du tir à l'arme à feu, le seul juge de tout le pays qui a les "cojones" pour porter le dossier des enfants volés auprès de la justice, et même la transsexuelle Ana, meilleure détective du pays et argentine d'origine. On trouve également dans Mala Vida quelques répétitions (par exemple, sur les habitudes insomniaques du héros), un zeste de maladresse (la jolie blonde qui utilise aussi bien une arme de poing qu'un fusil avec viseur et tue à bras raccourcis n'aurait jamais pensé que des gens pourraient lui vouloir vraiment du mal ! Le héros du jour qui aimerait se venger lui-même des assassins de sa femme mais désavoue les actions d'Isabelle...).
Bref, tout ça, c'est bien dommage, parce que le sujet plutôt original est traité avec un angle d'attaque intéressant, il n'y a pas de temps mort dans la trame de l'histoire, les explications et techniques du métier de chroniqueur radio apportent du plus à l'ensemble, et les personnages sont somme toute attachants !

A souligner, parce que je trouve que c'est une initiative géniale : les éditions Préludes nous recommandent quelques ouvrages à la fin de notre lecture pour continuer sur le sujet. Et ça, ça me parait être une vraie bonne idée !

Ellane92 - Boulogne-Billancourt - 48 ans - 17 juillet 2017


Léger polar ibérique 5 étoiles

On imagine vite le thème abordé lorsque l’on se retrouve avec ce petit livre entre les mains. Sa couverture représentée par un berceau peint en rouge et jaune et son titre issu d’une chanson de Manu Chao, laisse présager une aventure ibérique sur fond de maternité. Et c’est le cas.

Marc Fernandez nous propose un polar empreint de ses origines espagnoles. On va découvrir des personnages engagés qui vont mettre le doigt sur un secret bien gardé de l’Histoire du pays. Ils vont alors s’impliquer avec détermination pour dévoiler au monde ce drame national que constitue le vol de bébés sous l’ère Franquiste. Personnellement, je n’avais pas connaissance de cette tragédie. J’ai tout de suite été séduit par l’idée de fouiller dans le passé tourmenté.

Malheureusement, les promesses d’un polar plein de révélations ne sont pas tenues. Le sujet, pourtant grave, est survolé. Les grandes lignes sont répétées mais on ne rentre jamais en profondeur pour étoffer la matière. Les protagonistes sont caricaturaux et l’enchaînement des évènements est assez prévisible. Il y avait le potentiel historique pour en faire une grande aventure mais tout va très vite et on passe à côté du sujet. C’est efficace en terme de rythme, beaucoup moins en terme de consistance.

Marc Fernandez a le mérite de nous ouvrir les yeux sur ce mystère, véritable tabou d’un pays qui semble vouloir se défaire de son passé peu glorieux. Seulement la forme trop superficielle de l’approche, rend ce court roman un peu trop lisse et trop inoffensif. Je le conseille donc comme une lecture légère au bord de la plage (ou ailleurs, c’est vous qui voyez !). Vous passerez un moment plaisant, sans prise de tête, mais aussi sans grande exaltation. Ma déception s’explique aussi parce que j’avais mis beaucoup d’espoir dans ce roman au thème intrigant et dans cet auteur sympathique.

Killing79 - Chamalieres - 44 ans - 27 mars 2017