Traquemage T1 - Le Serment des pécadous
de Wilfrid Lupano (Scénario), Relom (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 13 septembre 2015
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Une histoire de mages et de fromages
Dans son paisible petit village montagnard, Pistolin élève des cornebiques pour produire un succulent fromage, le Pécadou. Jusqu’au jour où son troupeau est décimé, victime collatérale de la guerre des mages. En compagnie de Myrtille, unique survivante du troupeau, Pistolin ulcéré se lance à leur poursuite, bien décidé à les anéantir jusqu’au dernier…


Brillant scénariste dont les œuvres sont toujours très attendues, Lupano aime à explorer tous les genres, du polar à l’Histoire, en passant par la comédie. Et parfois il en crée de nouveaux, comme ici avec cette nouvelle série de « rural fantasy », qui débute comme une utopie pastorale assez banale pour bifurquer très vite vers une parodie burlesque de l’univers de Tolkien.

Relom, dont je ne connaissais pas le travail mais qui a déjà à son actif quelques ouvrages humoristiques, s’est adjoint cette fois les services d’un scénariste, et quel scénariste ! Avec « Traquemage », cet auteur reste dans son champ de prédilection, et apporte par son style généreux une certaine féerie à cette production qui aurait pu se contenter de n’être qu’une grosse poilade, féerie confortée par une colorisation soignée. Et si les visages à l’aspect caoutchouteux évoquant Crumb sont parfaitement adaptés au genre parodique, les décors, très bien dessinés, évoquent volontiers un village de la Comté cerné par l’herbe vert tendre, la montagne en plus, telle une invitation à s’immerger dans l’histoire. Il faut dire aussi que les cornebiques (terme utilisé pour désigner les moutons) ont des tronches absolument irrésistibles, notamment Myrtille, seule survivante du massacre perpétré par les mages. Celle-ci représente l’élément le plus comique avec la Fée Pompette et son penchant pour la boisson, sorte de croisement entre la Fée Clochette, Charles Bukowski et Jérôme Bonaldi. Quand cette dernière dote accidentellement Myrtille du pouvoir de cracher des flammes (ou plus exactement des flammèches), la pauvre bête, après avoir cramé un insignifiant lézard qui se la coulait douce sur son rocher, pensant ne faire qu’une bouchée de pain du dragon Rhölmar, va crânement le défier dans sa grotte… Ouarf, quand j’y pense, j’en ris encore…

Une réussite prometteuse pour ce premier tome qui donne déjà envie de découvrir la suite, grâce à une alchimie qui semble fonctionner à plein entre Lupano et Relom. Une fois encore, Wilfrid Lupano nous propose un scénario à la fois original et fluide, à croire que le bonhomme ne sait pas ce que décevoir veut dire, et ce pour notre plus grand plaisir.
Le Génie des Alpages 7 étoiles

Je me suis vraiment bien marré à la réjouissante lecture de ce premier volume du Traquemaque ! Je remercie Blue Bloy d’avoir fait de la réclame pour cette série, elle vaut le détour, à la condition par contre de ne pas être allergique à l’humour décalé et déjanté, jamais vulgaire mais parfois un peu trivial ! Pour le coup le trait graphique de Relom, le dessinateur (qui a officié dans d’honorables revues comme Fluide Glacial et Psikopat, pour vous donner une idée), se marie à merveille avec le scénario et les dialogues d’un Wilfrid Lupano au meilleur de sa forme !

Le dessin de Relom est trompeur. Les trognes patibulaires plutôt moches des personnages (qui ne sont pas sans rappeler celles des tableaux de Brughel l’Ancien) pourraient donner l’impression d’un dessinateur maladroit. Il n’en est rien, bien au contraire. Le trait est d’une grande précision, et en outre très lisible. Les expressions des personnages sont parfaitement bien rendues. Le dessin sait se faire élégant quand il en est besoin. J’en veux pour preuve par exemple la délicatesse des paysages, celles des « enluminures» ornant le titre de la série sur la couverture ou tout simplement son talent à dessiner les formes féminines (celles de la fée Pâquerette ou celle de la Dame des Bois).

Le trio Pistolin/Myrtille/Pâquerette, anti-héros touchants, fonctionne quant à lui du tonnerre, entre clin d’œil et références (comment ne pas penser à un hommage à F’murr en particulier ?), détournant avec euphorie les codes de la Fantasy !

Fanou03 - * - 48 ans - 6 décembre 2019