Smara : Carnets de route d'un fou du désert
de Michel Vieuchange

critiqué par Lectio, le 25 août 2015
( - 75 ans)


La note: étoiles
Dans l'enfer d'un désert fou.
Michel VIEUCHANGE est plus un amoureux des cartes géographiques qu'un fou du désert. Il repère donc au coeur du Sahara une citée interdite. SMARA. Toute intrusion d'un étranger mène systématiquement à la mort. Aucun occidental n'a encore pénétré ce territoire. Voici les carnets de voyage de cet étonnant voyageur qui parcourut du 10 septembre au 16 novembre 1930 1400 kilomètres à pieds de Tiznit à Smara. Michel Vieuchange écrit : " je note tout ceci parce que, ici, je noterai tout - par sincérité - ma sincérité dans le livre ne sera pas la même". Le livre ne sera jamais écrit, le voyageur mourra le 29 novembre 1930 des suites de son long périple. Son frère Jean, soutien logistique de l'expédition publie les carnets de son frère. Une authenticité brute. Chaque jour, chaque pas devient une longue épreuve. Epreuve humaine : le contact difficile avec les hommes (et les femmes, l'auteur est déguisé en femme voilée afin de ne pas attirer l'attention). Une langue inconnue compliquant les relations, la fourberie des accompagnateurs, leurs peurs, leurs rivalités claniques, leur cupidité, leur absence de repères par rapport au temps, aux délais. Epreuve géographique : repères incertains, pistes variables d'où les hésitations et les erreurs des accompagnateurs eux-mêmes, chaleur accablante alternant avec les froids crachins des nuits glaciales, étendues de pierres coupantes, campements précaires et durs. Epreuve humaine : " ce corps fragile qui nous occupe tant -notre richesse- ce bien, cette fortune qui s'épuise chaque jour". Un calvaire. Les pieds coupés aux plaies purulentes, la nourriture avariée, carencée, les poux, l'entérite, la dysenterie, le manque de sommeil, les épouvantables conditions de voyage souvent imposées par les guides. Tout ce chemin de croix pour quelques instants passés à SMARA, pressé par les caravaniers de repartir. Pas de fioritures, des phrases écrites en route au gré des arrêts nombreux ou à dos de chameau. Une souffrance, un cri de révolte parfois. Non ce n'est pas la beauté et le calme du désert thérapeutique que l'on nous vend aujourd'hui ! Une expérience profondément humaine, émouvante dans sa sincérité et sa crudité aussi. Un seul regret, l'absence des photos prises par l'auteur voyageur ainsi que la carte établie d'après ses relevés.