Un roman anglais
de Stéphanie Hochet

critiqué par TRIEB, le 15 août 2015
(BOULOGNE-BILLANCOURT - 72 ans)


La note:  étoiles
UN ROMAN SO BRITISH
Nous sommes en 1917, dans la campagne anglaise. Anna Whig, femme de lettres, traductrice d’ouvrages français, est mère d’un jeune enfant de deux ans, Jack. Pour se décharger des tâches les plus prosaïques, Anna convainc son époux, Edward, un horloger soucieux avant tout de la prospérité de son commerce et de l'observance des convenances, d’embaucher pour la garde de l’enfant une nourrice, car il est bien évident que cet emploi ne saurait être dans le cadre de l’Angleterre victorienne occupée que par une personne de sexe féminin.

Anna va chercher George à la gare. C’est un homme ! Gorge s’acquitte très bien de son rôle. Il gagne rapidement la confiance et l’écoute de Jack et provoque une déstabilisation dans l’univers d’Anna. Comment peut-on être séduite, car Anna est séduite sans en avoir clairement conscience au départ, par un jeune homme originaire des régions minières du nord de l’Angleterre ?
Cela n’est pas suitable, convenable comme le disent nos voisins d’outre Manche. Ce que trouve Anna, c’est de l’écoute auprès de George, de l'apaisement : »George a une attention particulière pour celui qui s’adresse à lui. Il m’écoute comme personne ne m’a écoutée auparavant. (…) Avec George, les mots pèsent leur poids, éveillent l’intérêt qu’ils méritent. Le jeune homme ne coupe pas la parole. Quelle étrangeté, quel soulagement. »
Il y a dans ce roman beaucoup de thèmes évoqués avec une grande réussite, un à-propos qui emporte l’admiration. Stéphanie Hochet évoque l’ambiguïté de la maternité, la situation de la femme dans l’Angleterre du début du siècle, encore privée du droit de vote. Elle met en évidence les conséquences de la première Guerre Mondiale sur la société britannique, en reproduisant une correspondance envoyée par Anna aux Armées à propos de son cousin John Hastings, dont elle apprend la mort sans sépulture quelque temps plus tard.
La jalousie d’Edward, qui pressent naturellement la naissance du sentiment amoureux entre Anna et George, la désarmante sincérité de George, sa vérité humaine sont décrits par de très fines touches, jamais outrées, évitant la caricature. Ce roman est anglais par le cadre, par les références nombreuses à la littérature britannique. L’esprit de Virginia Woolf est bien repris, cette façon de partir du détail pour extraire la vérité des personnages. La familiarité et la proximité de la littérature anglaise dévoilées par Stéphanie Hochet nous font aimer ce beau roman, suggestif, porteur d’interrogations sur les thèmes les plus intimes.