Ce qui reste
de Rachid O.

critiqué par Débézed, le 14 août 2015
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Ambiguïté
« Je vais écrire les souvenirs qui me viennent, chercher où ils peuvent bien être, je les trouverai seul, je n’interrogerai personne, que ce que j’ai vu ». « J’ai besoin d’écrire ça, comme une justification de la douleur et de la beauté malsaine de ma vie, et puis vous m’avez habitué à être compris comme je voudrais l’être ».

Un jeune Marocain rentre au pays pour revoir son père, ce père qu’il aime profondément mais avec lequel il n’arrive pas à communiquer, il y a des mots que le père ne peut pas dire, des questions qu’il ne peut pas poser. Il ne peut accepter l’homosexualité de son fils et la relation qu’il a eue avec son oncle, le frère de ce père déboussolé. Rachid O., à travers les rencontres qu’il a faites dans les quartiers interlopes de Paris ou de Rome quand il était pensionnaire de la Villa Médicis, évoque ambiguïté sentimentale qu’il éprouve quand son père le sert dans ses bras, les sensations sexuelles semblent se fondre dans les relations affectives créant un profond trouble. Il a une vraie difficulté à définir son identité sexuelle et sentimentale, l’image de l’oncle revient sans cesse à sa mémoire alors qu’il éprouve les pires difficultés à se rapprocher de son père, il n’a connu l’intimité qu’avec l’oncle et non avec le père et pourtant ce père il l’aime profondément.

Ce petit texte très sensuel, très fin, très littéraire, rompant avec la tradition arabe, se rapprochant plus de la littérature française la plus élaborée, évoque surtout ambiguïté, celle que le jeune homme éprouvait adolescent au contact de son oncle initiateur, celle de ses sentiments : l’amour filial et l’amour charnel, celle des deux cultures qu’il fréquente, la marocaine et la française où son homosexualité n’est pas perçue de la même façon. Il navigue entre deux mondes, entre des façons d’aimer, il voudrait aimer son père comme un fils l’aime mais il pense toujours à la façon dont il a aimé son oncle. Ses repères se brouillent se confondent, il est différent, il voudrait que son père l’aime comme il aime son autre fils, il voudrait aimer un garçon comme il aimait son oncle. Mais il voudrait surtout que son père l’accepte comme il est et l’aime comme un fils.

« Dans mon rêve … dans la main de notre père il y avait celle de mon oncle venant vers moi, leurs sourires larges comme ça ».