La Démone bleue
de Liu Xinwu

critiqué par Dirlandaise, le 4 août 2015
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Le jeune fille pauvre
Devenu adulte, le narrateur raconte un souvenir d’enfance alors qu’il habitait à Pékin dans un immeuble collectif avec ses parents. Ils avaient pour voisins une famille pauvre dont le père exerçait le métier de menuisier. Une des filles de cette famille fréquentait la même école et était dans la même classe que le jeune garçon. Nettement défavorisée, elle devait ramasser du charbon avant de se rendre en classe ce qui lui occasionnait de nombreux retards. Souvent raillée par ses camarades, elle était dépourvue de charme et son visage ingrat ne lui attirait pas la sympathie de ses compagnons. Le narrateur se souvient de sa cruauté à son égard et des nombreuses fois où il lui a tendu des pièges afin de l’humilier. Il lui a même donné un surnom : La Démone bleue. Mais, un jour, elle lui fera découvrir des merveilles…

Récit autobiographique, l’écriture de Liu Xinwu est dépourvue de poésie mais, par contre, les nombreuses descriptions détaillées de temples et de marchés publics sont remarquables de même que ses talents de raconteur. J’ai appris une foule de faits intéressants : les porte-lune, les galettes « clou de porte », les « white rabbit creamy candy » qui existent toujours sans compter toutes les références littéraires et cinématographiques. Je raffole de ces petits faits de la vie quotidienne chinoise si intéressants et enrichissants. Une histoire bien triste cependant que la vie de cette jeune fille chinoise. Une vie humble, effacée, marquée par la pauvreté et la maladie. L’auteur n’arrivera jamais à oublier sa petite camarade de classe si désavantagée par la naissance et un physique ingrat. Il sera rongé de remords en repensant à son comportement à son égard en particulier lors de l’incident du cinéma et de la distribution de friandises à l’école. Un récit touchant au possible.

La deuxième moitié du livre est constituée d’une entrevue avec Liu Xinwu réalisée par téléphone en 2003 et d’un portrait de l’auteur.

« J’étais retourné sur les lieux occupés autrefois par le temple du Vaste bonheur, transformé en un magasin ultramoderne, baptisé Building du Vaste Bonheur. Cinq étages, accessibles par des escalators, étaient ouverts au public et proposaient les objets les plus à la mode, depuis les produits alimentaires importés, jusqu’aux parfums, en passant par du gel pour les cheveux, des crèmes amincissantes, des bijoux, des produits pour les toilettes, des canapés en cuir, du matériel pour karaoké. Je m’étais renseigné pour savoir ce qu’étaient devenus les merveilles contenues autrefois dans le temple, comme le plafond encaissé de la salle du Vairocara, pièce architecturale unique au monde. Il m’a été répondu que tout ce qui avait pu servir à construire des abris souterrains pendant la Révolution culturelle avait été utilisé pour « creuser des galeries ». On jugeait en ce temps que c’était comme « transformer en trésor du matériel de récupération », de sorte que « l’ancien puisse servir au présent ».