Le malheur au Lido
de Louis-René Des Forêts

critiqué par Eric Eliès, le 26 juillet 2015
( - 49 ans)


La note:  étoiles
Un récit en rêve
"Le malheur au Lido" est une nouvelle de Louis René des Forêts, à l’atmosphère onirique et fantastique. Un homme, qui se croit être le client d’un luxueux hôtel de Venise contemplant avec amusement l’effervescence des riches clients et des grooms affairés, est sommé de déguerpir par les portiers. Il découvre alors qu’il est un gamin des rues, vêtu d’habits sales et déchirés, vautré sur un canapé dans le vestibule de l’hôtel, où sa présence fait scandale. Je laisse aux lecteurs le plaisir d’en découvrir la chute, que l’auteur approfondit dans sa postface…

L’écriture est d’une grande précision factuelle et psychologique, mais dénuée de toute lourdeur et parfois teintée d’une ironique distanciation dans la description des personnages. Elle s’apparente un peu à celle de Julien Gracq ou de Pierre Klossowski, à qui la nouvelle est d’ailleurs dédiée avec un portrait en médaillon. L’œuvre de Louis René des Forêts a suscité de nombreux ouvrages critiques : les commentaires sur cette nouvelle soulignent la richesse des références implicites à d’autres œuvres littéraires, musicales (Mahler) ou cinématographiques, qui ont ici nourri l’inspiration de Louis René des Forêts (notamment « Mort à Venise », de Visconti). Néanmoins, ce récit peut très bien s’apprécier en dehors de toute lecture contextuelle (ainsi que je l'ait fait, car je n'ai pas décelé les multiples allusions à ces autres œuvres sur lesquelles des critiques sont capables de disserter pendant plusieurs pages...), comme une sorte de long récit de rêve, sans chercher à éclaircir toutes ses ambiguïtés ou à épuiser toutes ses subtilités.